Zenkonyama

Traductions ABZE disponibles (PDF) :     

Le petit “temple de montagne” du dojo de Bâle

Par Volker Gyoriki Herskamp

Pratiquer zazen et samu en communion avec la nature et parfois en prime avec la vue sur les Alpes est une possibilité que nous avons au dojo de Bâle depuis presque dix ans. Une exploitation écologique du jardin potager ainsi qu’une attention particulière à la biodiversité sur l’ensemble du terrain du temple sont nos priorités.

Pourquoi pratiquer dans la nature comme Bouddha Shakyamuni ?

C’est une question que se pose chaque citadin, mais aussi chacun qui a pratiqué zazen dans la nature. En effet un dojo est en règle générale plus calme et tranquille (sauf si quelqu’un a une quinte de toux) ; des musaraignes courent furtivement à travers les herbes ou les feuilles mortes, des oiseaux chantent, une libellule s’arrête soudainement à hauteur des yeux et avec un léger vrombissement d’hélicoptère vérifie si le regard est bien dirigé vers le sol. Sans parler des nombreux insectes qui se promènent au sol ou dans les airs et bien entendu l’espèce homo sapiens qui dans les environs avec des techniques avancées comme tracteurs et scies électrique apportent une contribution importante au fond sonore de la nature.

Alors pourquoi pratiquer dans un endroit aussi inconfortable ? Parce que la nature est notre “refuge” avant que nous n’en soyons séparés, aidés par la “modernisation”. Parce que en fait rien ne dérange lorsque l’on pratique zazen. C’est toujours l’esprit qui crée les dérangements et qui commence à développer peurs ou énervement à l’approche d’êtres aussi minuscules que moustiques ou fourmis.

Avons nous oublié que Bouddha Shakyamuni s’éveillât sous un arbre dans la jungle en Inde (terai). Ceux qui connaissent le terrain en Inde savent que l’on trouve là d’autres sources de bruits et dérangements telles que serpents et singes et précisément dans cet environnement eu lieu l’éveil du Bouddha. Parce qu’avec le temps qui s’écoule, l’extérieur devient calme et l’esprit devient vaste comme l’horizon. Parce que la vue au loin sur la vallée du Rhin et du Jura jusqu’au haut plateau Bernois est splendide (bien sûr pas pendant zazen 😉 ). Parce que tranquille et un avec la nature nous ressentons notre véritable chez-nous. Et pas seulement nous, mais aussi les animaux. Ils perdent avec chaque minute de zazen leur timidité. Il arrive qu’une musaraigne saute sur une jambe, qu’un lézard se perde sur le kimono (jusqu’à présent par chance pas encore dessous 😉 ) et que les oiseaux viennent regarder. A ce moment-là disparait provisoirement la séparation entre homme et nature, que nous avons nous-mêmes créée.

C’est précisément pour ces raisons que nous devrions pratiquer à l’extérieur comme Bouddha autrefois. Malheureusement le dojo d’extérieur de la Gendro n’existe plus. Jusqu’à 400 personnes pratiquaient dans la nature sous les vieux chênes, ces imposants arbres sacrés des Celtes.

C’est pour ces raisons que nous avons décidé de faire de cet endroit magnifique, qui fut officiellement baptisé du nom de „vue des alpes” un dojo de montagne, situé dans le Markgräflerland à une altitude de 500 mètres dans une faille calcaire du sud de la forêt noire. En 2000, j’ai eu l’occasion d’acquérir cette parcelle d’un hectare presque au sommet de la colline exposée vers le sud, elle n’était plus exploitée depuis 30 ans et en conséquence en friche surtout par les mûres. A cause de ces conditions difficiles aucun des voisins qui avaient en fait une préemption d’achat n’était intéressé par la parcelle. Il fallut plusieurs années pour ce qui autrefois était un pré le redevienne. Sans parler d’un ensemble d’arbres comme l’on n’en rencontre rarement de nos jours.

Après la construction d’une terrasse en 2002 eu lieu le premier après-midi zazen sous un vieux chêne. En 2008 je fis don de la parcelle au dojo et le temple Zenkonyama “montagne des bonnes racines” (pas seulement à causes des innombrables racines des mûriers) fut fondé.

Nous essayons de respecter du mieux la nature lors de l’exploitation du terrain. Naturellement nous avons dû au départ détruire une bonne partie pour mettre la terre en valeur. C’est ainsi qu’en extrayant des racines d’arbres coupés je pu mettre en place deux biotopes humides dans lesquelles vivent tritons de montagnes, de nombreuses espèces rares de libellules, comme la libellule d’Adonis ou la libellule vierge et de aussi de nombreux autres insectes. Même une couleuvre à collier vint s’y perdre et au printemps de nombreux amphibiens.

Le terrain se trouve sur un immense verger et nulle part en Europe trouve-t-on une telle biodiversité dans un verger. D’innombrables espèces d’animaux et de plantes vivent ici dans une symbiose unique. Ainsi j’ai planté différentes espèces d’arbres fruitiers sur lesquels de nombreux oiseaux tels que pics, loriots et coucous viennent gâter nos oreilles et nos yeux. Dans la partie supérieure du temple se trouvent les vieux arbres, surtout des chênes, des hêtres et des frênes. On y trouve aussi une espèce rare d’oiseau le pic noir ainsi que le plus grand scarabée d’Europe, le cerf-volant. Entre temps c’est la seule parcelle dans un grand rayon possédant d’aussi vieux arbres, car partout ailleurs règnent les méthodes modernes d’exploitation forestière qui ne laissent pas volontiers les arbres vieillir au delà de 50 à 80 ans. Même à la Gendronnière ces méthodes d’exploitation sont appliquées, à mon grand regret, car précisément dans un temple zen les aspects économiques ne devraient pas être au premier plan, mais c’est maintenant trop tard, on ne trouve plus les vieux arbres dans le domaine du parc de la Gendronnière.

Même lorsqu’un vieux hêtre tombe, comme se fût le cas cet été ou qu’une grosse branche tombe à proximité d’une visiteuse nous nous en tenons à notre concept de protection du biotope pour les vieux arbres et les animaux.

Le versant sud fondé sur un ancien récif de corail offre aux plantes des conditions extrêmes. Une exploitation intensive du sol peut provoquer la formation d’une prairie semi-sèche. Reines de ces prairies sont les orchidées, c’est ainsi que nous avons pu admirer en 2008 la très rare espèce d’orchidée nommée en allemand Bienenragwurz ou « Orphys abeille », que l’on peut voir sur la photo ci-dessous

Grâce à des semis de graines de plantes locales nous pouvons voir de nombreuses espèces apparaître dont le pollen attire papillons et autres insectes. Ainsi grouillent les papillons au printemps, tels que les queues d’hirondelles, échiquiers, etc. J’ai aussi construit des places de nidification pour les abeilles sauvages.

Le sol et l’exposition au sud sont bien adaptés pour la culture de plantes méditerranéennes, telle que le thym, le romarin, la verveine, la lavande, la marjolaine, la sauge et la menthe que nous utilisons au dojo. De nombreuses plantes médicinales telles que millepertuis et achillée y poussent aussi et nous essayons également de les mettre en valeur au dojo.

La culture des légumes est plus difficile en raison des conditions extrêmes déjà évoquées. Le sol est argileux. Quand il est humide, lourd et gluant, l’eau restant à la surface, quand il est sec, comme ce fut le cas ce printemps, des crevasses de la largeur d’une main se forment et le sol devient dur comme du béton. Beaucoup de plantes semées n’ont pas survécu à ces conditions, car nous ne disposons pas d’eau en permanence. Les pommes de terres, potirons, haricots et courgettes se sont avérées comme assez résistants pour ces conditions lorsque les semis sont bien choisis. De même les mûres, framboises et groseilles poussent bien. Pour la première fois cette année nous avons pu récolter des cerises et des pommes.

Bien entendu nous devons essuyer de temps à autres des revers, par exemple en 2006 lorsqu’une petite tornade fit des ravages dans la région, l’année d’avant c’était la grêle. Il ne resta bien sûr plus de plantes de culture à récolter, les autres plantes par contre survivent de tels revers assez bien, elles fleurissent simplement un mois plus tard. Une autre année ce furent des moutons qui mangèrent une grande partie des plantes et haies que nous avions plantées à l’automne pour en faire une clôture pour se protéger des moutons !

Maintenant c’est justement cette clôture et une petite cabane qui devraient disparaître. Quelqu’un a porté plainte. Cette petite oasis de nature n’est pas du goût de tous. Certains déposent sur notre autel à l’extérieur à coté de la statue du bouddha, des fleurs, des coquilles d’escargots, de l’argent, pour d’autre ce lieu avec bouddha et stupa semblent suspect au milieu de ce centre des églises “libres” du sud de l’Allemagne. C’est ainsi que la cabane fut détruite par le feu en 2007 pour des raisons inconnues. Maintenant l’administration de la région veut nous faire détruire cette cabane en raison d’une nouvelle loi interdisant les cabanes construites après 2006. Les frais d’avocats de 1800 euros laissent un trou important dans les comptes du dojo et de nombreux pratiquants qui ne sont pas passionnés par le zazen de plein air se demandent si la dépense est vraiment utile. Malgré tout et peut-être justement à cause de ces revers le projet va continuer, car c’est seulement après que l’on remarquera combien ce paradis bouddhiste est important.

Ceux qui sont intéressés par un moment de retraite sont bienvenus. On y trouve tout ce qui est nécessaire, une cabane, des instruments de cuisine, un four, de la place pour zazen. Seule l’eau potable doit être apportée d’une source éloignée avec une voiture. Quelques uns d’entre nous y passent de temps à autres une nuit. J’ai moi même fait une fois une sesshin sur place, une expérience unique.

Je pourrais encore beaucoup écrire sur la faune et la flore unique de cet endroit magnifique, sans évoquer l’art et la créativité du lieu. Qui souhaite découvrir virtuellement le lieu peut le faire sur facebook http://www.facebook.com/pages/ZENKONYAMA/151195918283684.