Ryokan

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ZOTOHKA de « Rosée d’un lotus » Poèmes échangés

Par Minuro Shiraishi et Antonio Arana Soto

Qui dit que mes poèmes sont des poèmes?
Mes poèmes ne sont pas des poèmes.
Lorsque tu comprends cela,
Alors on pourra parler de poésie.

Ryokan

“Rosée d’un lotus”, ce sont des poèmes que Teishin recueillait et se chargeait de publier après la mort de Ryokan, dont le titre était justifié car chaque poème est une perle comme celle de la rosée sur un lotus.
Pour la vie de Ryokan on a suivi a Ishigami-Iagolnitzer Mitchiko “Ryokan moine zen”, édition du CNRS, 1991. Et sur certains commentaires écrits dans l’édition bilingue de “Hachisu no tsuyu , “La rosée d’un lotus”, d’Alain-Louis Colas, Connaissance de l’orient , édition Gallimard, 2002, auquels nous sommes reconnaissants.

Ryokan est né à Izumozaki, un petit village sur la mer avec un petit port sur la côte Nord ouest du Japon.
A dix-huit ans il décidera d’entrer au monastère zen Kosho-ji. Quatre ans plus tard il acompagnera le maître zen Kokusen à Entsu-ji et on lui donnera le nom de Ryokan (bon, vaste). Le long de sa vie il aura plusieurs noms.
Il restera avec maître Kokusen pendant douze ans. Quand Kokusan décède il ira en pélerinage dans tout le Japon, notamment pour consulter dans des différents temples le “Shobogenzo”, Trésor de l’oeil de la Vraie Loi”, œuvre de Dogen (1200-1253).

Il visite des fermes et villages voisins pour mendier la nourriture, être avec les gens, jouer à la balle avec les enfants, dans cette constante de sa vie d’alterner de la solitude et du social, qui sera la complementarité de sa vie quotidienne.
A cinquante-huit ans il s’installe plus près du village dans un ermitage du temple Otoko, pour résider au village les dernières cinq années de sa vie.
Quand il a soixante-neuf ans il rencontre Teishin, nonne zen avec qui il maintiendra une profonde amitié et complicité jusqu’à sa mort. Relation qui se manifeste à travers des “Poèmes échangés” dont certains sont presentés ici.

Teishin est née à Nagaoka sous le nom Masu. Très jeune elle perd sa mère. Gaie, intelligente, à seize ou dix-sept ans elle épouse un médecin, Seki, dont elle divorcera cinq ans plus tard. A vingt-et-un ans elle reçoit l’ordinnation zen avec le nom de Teishin (Coeur fidèle). Elle entend parler de Ryokan et décide de faire sa connaissance par l’intermédiaire d’une amie, mariée à un neveu de Ryokan.

A l’automne 1827, à vingt-neuf ans elle rencontre Ryokan et commancera sa relation d’amitié et leur correspondance poétique. En 1831 Ryokan meurt à son côté à soixante-treize ans. Teishin recueillera ses poèmes et le publira sous le titre “Rosée d’un lotus” – Hachisu no tsuyu.

Teishin décède en 1872. Elle a écrit “Algues salées” – Moshihogusa, libre avec 550 poèmes. Son Jisei no uku – poème à la mort, sera celui qui clôt les Poèmes échangés de “Rosée d’un lotus”:

Aller et venir des vagues
que de la haute mer
il semble qu’elles viennent
tandis qu’elles vont

L’oeuvre poétique de Ryokan

Ryokan ne se souciait guère de son oeuvre poétique. Sa poésie jaillissait en toute spontanéité de sa relation avec la vie, avec son entourage, dans l’instant.
“Mes poèmes ne sont pas des poèmes” disait-il. Aussi, disait-il qu’il détestait la poésie des poètes, la caligraphie des caligraphes et la nourriture des cuisiniers, faisant référence à la spontanéité, à la naturalité avec laquelle chaque art doit naître.

Il laissait ses poèmes au vent, il écrivait sur le sable, il les laissait acrochés aux arbres, sur les murs, par terre.
Ce poème reflète son écriture qui jaillit de façon naturelle, de façon automatique, sans intention :

La fleur invite le papillon sans intention.
Le papillon visite la fleur sans intention.
La fleur s’ouvre, le papillon arrive,
le papillon arrive, la fleur s’ouvre.
Je ne connais pas les autres.
Les autres ne me connaissent pas.
Sans nous connaître, tous les deux
suivons le rythme de la nature.

Ryokan cultive le style Man.yo qui désigne une atmosphère basée sur les poèmes traditionnels japonais du Man.yoshu. Le style est simple et direct sur des sujets comme la nature, l’amour, la séparation, le vin et les célébrations, la douleur et la tristesse à cause de l’impermanence des choses.
Ses premiers poème seront publiés en 1812 quand il avait 54 ans dans une anthologie
de Iwata Shuhi (“Fidèle association avec les mouettes”).
En 1815 est publié un manuscrit “Ryokan Zenji Kastsu” (Anthologie des poèmes de Maître Ryokan).
En 1818 apparaît une première biographie par Buncho: “Ryokan zenji den” (Vie du Maître zen Ryokan)
Le 18 février Ryokan décède à côté de Yusi, Teishin et son disciple Encho.
Le livre publié par Teishin “La rosée sur un lotus” fera découvrir Ryokan vers 1835. La rosée est une image très utilisée dans le zen. Elle fait référence à mujo, l’impermanence, le monde flottant, qui vacille dont parle Ryokan dans plusieurs de ses poèmes.

Quelques poèmes échangés

Quand j’ai appris que le maître aimait jouer à la balle, je lui ai envoyé ce poème joint à une balle que moi-même avait cousue.

Dans un jeu sans fin
jouissant de ta pratique,
tu joues à la balle
au monde de Bouddha.
Moi aussi je jouerais avec toi
dans l’infinie profondeur
de sa loi

Teishin

Sa réponse :

Essaye et joue toi aussi
un deux trois quatre cinq
et six sept huit neuf et dix.
Et quand tu finiras de compter,
recommence!

Ryokan

Après notre première rencontre

C’est vraiment toi
que j’ai vu?
Est-ce cette jouissance
que je ressens encore
seulement un rêve?

Teishin

Sa réponse :

Dans ce monde de rêves
c’est aussi un rêve
parler de rêves.
Rêve, rêve encore
confiée au coeur
de chaque instant

Ryokan

Quand je lui annonce mes progrès allant au-delà de la dualité

La Voie de Bouddha
est juste cela
telle qu’elle apparaît
rien que tu puisses toucher
avec les mains.

Ryokan

Ma réponse :

Sous la brise de printemps
fond la neige de la montagne,
mais l’eau du ruisseau
stagne entre les rochers.

Teishin

Sa réponse :

Si la neige de la montagne a fondu,
pourquoi doit-elle stagner
l’eau du ruisseau
de la vallée?

Ryokan