Défaire les noeuds

Traductions ABZE disponibles (PDF) :        

Roland Yuno Rech, Pégomas 2011 (France)

Dans le Shobogenzo Zuimonki, Maître Dogen cite les paroles d’un homme sage : « Pour remédier aux désordres de la vie politique, c’est comme pour défaire un nœud sur une ficelle, une corde. Ne soyez pas pressés. Défaites le nœud seulement après l’avoir examiné en détail, l’avoir examiné profondément ».

Cette citation a suscité la question suivante pendant le Mondo :

Question : C’est à propos des nœuds dont tu parlais. Et ce qui m’est venu à l’esprit pendant que tu en parlais c’est: Pourquoi ils ne se dissoudraient pas tous comme ça en même temps, tous ces nœuds qui viennent régulièrement, et comme ça après on est tranquille ?

Roland Yuno Rech : Si on pratique zazen profondément, au moment même de cette pratique profonde il n’y a plus de nœuds. Et ils se dissolvent d’autant plus immédiatement qu’ils n’ont pas de substance. C’est seulement quand nous les entretenons, quand on continue à tirer…

Question : Oui, dans la vie de tous les jours ils se présentent, mais en zazen, d’accord, je suis d’accord.

R.Y.R. : On met de l’énergie, on créée une contradiction, un conflit, on ne s’harmonise plus avec la réalité et, du coup, on produit des nœuds. En zazen on met toute son énergie dans la pratique de l’instant présent, corps et esprit en unité, et il n’y a plus d’énergie pour fabriquer des nœuds. Mais le problème dans la vie quotidienne c’est que nos vieilles habitudes mentales renaissent, réapparaissent, même si on a expérimenté autre chose en zazen. Souvent ça ne suffit pas parce qu’il y a des influences anciennes, des bonno, des karmas anciens, qui ont produit une sorte d’empreinte qui, même si elle n’a pas de substance, c’est-à-dire si elle peut être transformée, elle peut être abandonnée, mais, néanmoins, elle a quand même une existence phénoménale, impermanente. Mais, n’empêche que ça revient, ça se reproduit. Et alors, la seule chose à faire c’est de, constamment, le plus longtemps possible, pratiquer le gyoji, c’est-à-dire revenir à la pratique des états d’esprit du zazen dans la vie quotidienne, le plus possible. C’est ce que moi j’appelle, si tu veux, un éveil subit et une pratique progressive qui vient après. Dans le zazen il y a des moments de totale unité avec la vacuité, la réalité telle quelle. Et à ce moment-là il n’y a plus de nœuds, il n’y plus personne qui fait zazen, comme tu disais tout à l’heure, personne qui fabrique des nœuds. Mais ça ne dure pas, c’est ça le problème.

Par contre ce qui peut durer c’est la pratique qui, à chaque fois que l’on pratique – dans la vie quotidienne ce n’est pas forcément assis en zazen – mais en étant vraiment un avec son corps, dans son action ou dans son activité présente, rétablir ce contact avec la réalité telle quelle est, ce retour à cette condition normale. Et ça contribue à effacer des empreintes liées à nos habitudes mentales passées, nos vieux karmas.

Mais c’est vrai que ça ne suffit pas de comprendre d’un seul coup quelque chose. Bien sûr, si la compréhension est profonde, ça facilite le fait d’effacer les empreintes. Plus la compréhension est profonde, moins le travail de revenir à la pratique constante est utile.