Le kesa

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Par Sengyo Van Leuven à Rosario en mars 2015 (Belgique)

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Faites bien attention, svp. Soyez attentifs à votre posture. N’adoptez pas une posture raide, rigide. Ne devenez pas une statue.

Respirez calmement, profondément. Adoptez une posture qui vous permet de vous détendre, tout en conservant l’énergie.

Ne vous forcez pas à prendre une posture artificielle. La posture de zazen est la posture la plus naturelle qui soit, pour pouvoir rester assis, de manière détendue, en équilibre, sans devoir fournir trop d’efforts musculaires. Svp, durant la sesshin, ne soyez pas uniquement attentifs à votre posture pendant les zazen, mais faites également attention à votre posture pendant les repas. Une bonne posture durant les repas favorise la digestion. Restez droit lorsque vous êtes assis, sans vous appuyer sur la table, sans poser vos coudes sur la table. Aux toilettes également, gardez une bonne posture. Pas seulement au niveau du corps mais également au niveau de l’esprit. Partout, lorsque vous faites samu, lorsque vous dormez, lorsque vous vous brossez les dents, restez conscients et attentifs. En contact avec votre corps, votre posture.

Soutenus par une pratique commune durant la sesshin, nous arrivons en effet à effleurer, toucher, rencontrer l’esprit véritable. L’esprit véritable, c’est l’esprit qui n’a rien de spécial, qui ne propose rien de particulier. Il n’est pas limité par des opinions et des habitudes personnelles.
L’esprit véritable n’est pas un esprit qui s’appartient. Mais c’est un esprit qui est réalisé, qui se réalise à travers la pratique continue d’un lâcher-prise constant, d’un retour continuel à la pratique. Qui dépasse les mots, les idées, les concepts. Un esprit qui ne se laisse pas saisir. Un esprit qui exprime l’essence de l’enseignement de Bouddha. Par lequel notre vie entière entre en harmonie avec l’univers tout entier, par lequel s’établit la sérénité, même au milieu des passions enflammées.

Observez attentivement ce dont chaque phénomène est fait. Chaque agrégat, chaque composant, soi-même, les autres, les objets. Voyez ce que les Trois Sceaux signifient vraiment. Les respecter. Les admettre dans sa vie. Et ainsi dévoiler l’esprit véritable. De cette manière, toujours continuer à réveiller l’esprit d’éveil. Continuer à le réaliser. De la même manière que nous devons toujours continuer à respirer, nous devons toujours réaliser l’esprit d’éveil, l’admettre au sein de notre vie.

Voyez la vacuité, l’absence d’ego, de toute chose. Voyez l’impermanence des choses. Voyez l’impermanence de soi. Ce qui a été créé, ce qui apparaît, disparaît, irrévocablement. Cela ne reste jamais pareil, change constamment. Ce n’est rien d’autre qu’un processus.

Observez comment tout remonte à la surface, en interdépendance. Ceci est, donc cela est. Si cela n’est pas, ceci n’est pas. Les choses apparaissent, non pas dans une relation linéaire mais dans un processus de coproduction conditionnée. Telle est l’essence de l’enseignement de Bouddha. Et c’est précisément ce qu’exprime le vêtement du Bouddha, le kesa.

Le kesa est le symbole de la responsabilité que nous avons envers notre propre vie, envers la vie de chacun et de tout être dans l’univers. Sans faire de distinction entre les êtres vivants et non vivants, sensibles et non sensibles. Sans faire de distinction entre ce qui a de la valeur dans la société et ce qui n’en a pas, disons sans considérer différemment une cuillère en bois et une cuillère en or. Appréhender toute chose avec le même respect, sans distinction, sans discrimination, sans mépris.

La seule chose qui soit vénérée dans la vie d’un pratiquant, c’est le kesa même. S’incliner devant le kesa, c’est voir le Bouddha. C’est dans chaque action de chaque personne que nous voyons la personne même. Svp, gardez bien cela à l’esprit durant cette sesshin. Pratiquez-le. Soyez attentifs.

La pratique demande toujours un effort juste. Peut-être au début est-ce un effort de volonté. Mais, relativement rapidement, nous devons abandonner cette volonté. Et toujours orienter cet effort juste sur le lâcher-prise. Pour simplement être attentifs et présents, dans toute action, toute pensée, toute parole.

Il y a une façon de pratiquer qui respecte complètement la manière juste. La quantité juste. La couleur juste. La matière juste. Pas seulement pour le kesa. Mais également pour le logement. Et également pour la nourriture.

Se vêtir, se nourrir et se loger sont les trois grands thèmes de la vie de tout un chacun. Et cela aussi dans la vie de celui qui pratique la voie de Bouddha.

Dans le chapitre « Den-e », tout comme dans celui « Kesa-kudoku » du Shobogenzo, Maître Dogen cite différents noms pour le kesa. Ces noms sont importants pas seulement pour notre vision du kesa, mais également pour notre vision de la vie, de notre propre attitude, de notre relation avec les autres.

Celui qui porte le kesa, qu’il s’agisse du grand kesa ou du petit kesa, comme le rakusu, celui qui s’en enveloppe, exprime l’essence de l’enseignement de Bouddha. Soyez-en conscients et agissez en harmonie avec cela, respectez-le. Un kesa n’est pas juste un vêtement quelconque que vous endossez. C’est se vêtir, couvrir, de l’enseignement de Bouddha.

Le Bouddha a cherché la Voie, l’a pratiquée et enseignée pour permettre la libération de tous les êtres vivants, pour le bien de chacun, de tous. Quiconque porte le kesa doit en être conscient. Quiconque porte le kesa doit se comporter comme le Bouddha, puisqu’il s’est enveloppé de l’enseignement du Bouddha.

Ainsi, Dogen appelle le kesa « butsu-e », vêtement de l’Eveillé. « Hô-e » vêtement de la Loi. « Gedatsu-fuku », vêtement de la libération. « Fukenden-e », vêtement du champ du bonheur. « Funzô-e » vêtement de chiffons, de chiffons souillés. « Ninniku-e » vêtement de la persévérance. « Musô-e », vêtement sans aspect. « Jihi-e » vêtement de la compassion. « Nyorai-e », vêtement de celui qui est venu ainsi. « Anokutara-sanmyaku-sanbodai-e », vêtement de l’éveil parfait et jamais égalé.

Abordez donc le kesa dans tous ces aspects. Quand vous le cousez, l’entretenez et le portez. Étudiez le kesa dans tous ces aspects. Rappelez-vous ces aspects en étudiant l’esprit, en étudiant soi-même, dans ses relations avec les autres. Alors on pourrait suivre le Dharma, au lieu de suivre soi-même.