Ne pas imaginer mais vivre

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Par Roland Yuno Rech à Nice en septembre 2015 (France)

Pendant zazen, continuez à bien vous concentrer sur la posture du corps, notamment la verticalité de votre dos, menton rentré, nuque et colonne vertébrale bien étirées, et les épaules relâchées. Inspirez et expirez calmement par le nez, détendez bien le ventre, laissez le poids du corps presser sur le zafu, et également sur les genoux.

Lorsqu’on se concentre ainsi sur la posture du corps, et qu’on est attentif à la respiration, on peut facilement laisser passer tous les phénomènes qui surgissent dans notre esprit.

En général, on essaye de saisir ce qui nous plaît, ce que nous aimons, et de rejeter ou d’éviter ce que nous n’aimons pas, de sorte que notre vie est souvent comme un combat permanent pour obtenir quelque chose et en éviter une autre. Ainsi on est rarement véritablement en paix.

Mais en zazen la posture de notre corps, immobile comme une montagne, ne se laisse pas ébranler par quoi que ce soit, et cela influence l’esprit, qui à son tour cesse de se laisser emporter par les émotions, par les soucis, les préoccupations. Comme on ne poursuit rien ni ne rejette rien, l’agitation mentale se calme, le mental s’apaise, et on retrouve une grande paix intérieure et une grande liberté d’esprit. Car en zazen l’esprit n’est plus conditionné à saisir ce qu’il aime et à rejeter ce qu’il n’aime pas.

Notre esprit à ce moment-là peut contempler chaque chose, chaque situation, chaque être que nous nous représentons d’une manière beaucoup plus objective, en laissant notre vision être dépouillée de nos préférences et de nos aversions. Et même si ces préférences ou aversions se manifestent dans l’esprit en zazen, on les observe comme on observerait un autre phénomène, de sorte que l’esprit en zazen est toujours beaucoup plus vaste que ce qui le traverse, que ce qui l’occupe ou le préoccupe. Cet esprit vaste a le pouvoir de nous libérer de nos attachements et de nos habitudes, de nous permettre d’adopter sur notre vie une vision nouvelle.

Maître Deshimaru nous disait souvent de pratiquer zazen comme si on allait rentrer dans son cercueil. A ce moment-là, qu’est-ce qui reste encore important ? Certainement beaucoup de nos préoccupations actuelles disparaîtraient. Alors pourquoi attendre les derniers moments de notre existence pour retrouver la paix de l’esprit ?

Mieux vaut pratiquer zazen chaque matin au réveil, et ainsi commencer la journée avec un regard vaste sur notre vie, observer toute notre vie du point de vue de Bouddha, c’est-à-dire de l’esprit d’éveil. Alors cette pratique devient une véritable révolution intérieure, qui a le pouvoir de nous apaiser en nous laissant entrevoir une autre manière de fonctionner, et surtout en nous permettant de l’expérimenter – non pas de l’imaginer simplement, mais de la vivre.

Alors ce qui est possible en zazen peut se vivre également dans la vie quotidienne, si on prend soin de se reconcentrer sur nos gestes, notre corps, notre respiration, que l’on est attentif à l’ici et maintenant. Ce qui suppose qu’on laisse passer toutes les pensées, qu’on ne se laisse pas entraîner par elles – autrement dit, si on parvient à une véritable maîtrise de son esprit.