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Par Roland Yuno Rech à Godinne (Belgique) en novembre 2021
À propos de zazen, Maître Keizan disait qu’il permet de s’éveiller à son esprit véritable et de se tenir paisiblement à sa véritable place. C’est ce qui permet de révéler son véritable soi, et de manifester les aspects de sa condition originelle, corps et esprit dépouillés, sans attachement, que l’on soit assis ou allongé ou encore en marche.
Autrement dit, à partir de la pratique de zazen on peut s’éveiller à son véritable esprit. Il ne s’agit pas de son esprit ordinaire, qui se réveille avec la cloche le matin, que l’on peut stimuler avec une tasse de thé ou de café, l’esprit qui nous permet de faire face aux différents aspects de notre vie quotidienne, mais il s’agit d’éveiller l’esprit qui nous permet de percevoir intuitivement l’ultime vérité ou réalité de notre vie.
Cet esprit-là, le « shin » de sesshin, n’est pas quelque chose que l’on peut saisir, ce n’est pas quelque chose du tout. Tout comme l’ultime réalité de notre existence n’est pas quelque chose que l’on peut saisir, mais que l’on peut vivre intuitivement et dont on peut avoir l’intuition en pratiquant zazen.
Souvent, dans la vie quotidienne, on a l’esprit agité par toute sortes de problèmes et d’émotions. Notre esprit est rarement en paix, parce que l’esprit de la vie quotidienne est souvent un esprit qui discrimine : on aime ou on n’aime pas, c’est accepté ou rejeté, en fonction de notre ego qui discrimine ce qu’on aime ou n’aime pas.
C’est ce qui faisait dire à Maître Sosan dès le premier vers du Shinjinmei : « Pénétrer la voie n’est pas difficile, mais il ne faut ni amour, ni haine ». « Ni amour » au sens d’avidité : c’est très important cette distinction entre l’amour véritable et l’amour avide. L’amour véritable est au-delà des désirs et des aversions de notre petit ego. Aussi, si l’esprit reste agité pendant zazen, il convient de se demander ce qui nous empêche d’être véritablement en paix.
Dans la vie quotidienne, on peut voir à quel point notre vision est discriminante, par exemple en observant maintenant ce que l’on désire ou ce qui nous inquiète. Mais il y a une foule de choses que l’on ne remarque pas, qui passent complètement inaperçues car notre vision est très sélective. C’est valable aussi par rapport aux êtres que nous rencontrons : certains nous paraissent sympathiques dès le premier regard et d’autres pas du tout.
En zazen on peut comprendre comment notre esprit discrimine sans cesse, on peut apprendre à aller au-delà de nos discriminations mentales et mettre cela en pratique avec nos relations et dans la vie quotidienne. On peut s’y exercer déjà pendant la sesshin, réaliser ainsi un esprit vaste capable d’englober tout ce que nous rencontrons, au-delà de nos discriminations.
Zazen nous montre qu’un autre fonctionnement de l’esprit est possible, à condition de lâcher prise d’avec nos habitudes, nos conditionnements, en en prenant conscience, en ne se laissant plus troubler par eux, en retrouvant un esprit clair. C’est ce que signifie s’éveiller au véritable esprit.