Traductions ABZE disponibles (PDF) :
Par Roland Yuno Rech à Nice en septembre 2014 (France)
Transcription d’un podcast disponible sur le -> Temple Zen Gyobutsu Ji
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Lorsqu’on pratique zazen, il est important de réaliser la dimension profonde de zazen. On peut très bien pratiquer un zazen personnel qui ressemble à une sorte d’introspection psychologique, et durant lequel on passe son temps à poursuivre ses pensées, à continuer à fonctionner sur le mode du mental ordinaire, sautant d’un objet de pensée à l’autre, s’attachant à ce qui nous est agréable, repoussant ce que nous n’aimons pas. On peut bien sûr, dans ce style de pratique, développer une meilleure connaissance de soi, de sa psychologie, de son ego, de ses caractéristiques personnelles… Mais au fond ce n’est pas la peine de faire zazen pour réaliser cela, et il est vraiment dommage dans ce cas-là de passer à côté de l’essentiel.
L’essentiel, c’est l’ouverture à une dimension toute autre de notre existence, qui n’est justement plus notre existence personnelle, enfermée dans l’identification à cette construction mentale qu’est notre ego. Laisser tomber cette identification à notre petit ego et s’ouvrir à une dimension beaucoup plus vaste de l’existence, dans laquelle nous sommes totalement en harmonie avec le système cosmique, sans dualité d’avec tout l’univers : c’est l’expérience la plus précieuse de zazen. Autrement dit, en zazen on n’est pas – on ne devrait pas – être concentré sur soi-même ; il nous faut abandonner notre conscience personnelle et cela n’est possible que dans une totale absorption dans la pratique de la posture et de la respiration.
L’oubli de soi qui se réalise à ce moment-là permet l’ouverture à une dimension de soi complètement au-delà de l’ego, à une véritable communion avec tous les êtres et surtout à un état d’être « ici et maintenant » au-delà de l’excès comme du manque, à un état d’esprit totalement apaisé, n’ayant plus besoin de poursuivre quoi que ce soit, ni de fuir quoi que ce soit. Se sentir totalement en sécurité, comme un nageur qui s’aperçoit qu’il n’a pas besoin de se débattre dans l’eau pour flotter, qu’il peut se contenter simplement de « faire la planche », d’arrêter de bouger, de s’agiter, de poursuivre quoi que ce soit, et se contenter vraiment d’être simplement présent, ici et maintenant.
Cette harmonie entre nous-mêmes et le cosmos est pratiquement impossible à réaliser par notre ego, par notre conscience personnelle. Mais elle se réalise naturellement lorsqu’on s’abandonne à la pratique elle-même. C’est pourquoi Maître Deshimaru, dans son commentaire du Shin Jin Mei, disait : « Zazen doit devenir un zazen cosmique, non égoïste, car si zazen est un zazen personnel, jusqu’à notre mort il restera sans efficacité. Inversement, le zazen cosmique, c’est-à-dire en unité avec la réalité, peut être appelé satori-zazen, ou bouddha-zazen un zazen totalement éveillé. »
Maître Dogen dans le chapitre sur « la vie et la mort » indiquait la voie à suivre. Il disait : « Lorsque nous abandonnons notre propre corps, notre conscience personnelle, nous pénétrons la maison de bouddha, et ceci sans utiliser notre volonté, notre conscience personnelle ». A cet instant-là, la vie et la mort sont abandonnés, c’est-à-dire ce qu’on appelle le samsara, et nous réalisons l’état de Bouddha.
Devenir Bouddha, c’est-à-dire éveillé, n’est pas si difficile. Une seule et directe méthode existe : l’harmonie avec le système cosmique. Zazen réalise cela pour nous, en nous faisant abandonner notre conscience personnelle et en développant l’état de conscience hishiryo, au-delà de la conscience qui mesure, compare, sépare, discrimine. Hishiryo, c’est l’harmonie avec le Dharma, l’ordre cosmique. Notre pratique de zazen doit tendre à réaliser cet état de conscience, sinon, c’est du temps perdu. Or le temps passe très vite …
Donc s’il vous plaît, concentrez-vous bien sur votre posture et soyez seulement attentifs à votre respiration.