Questions sur le Zen et le Bouddhisme

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Par Claude Emon Cannizzo

Bouddha est-il un Dieu ?

Non… Shakyamuni, Siddhârta Gautama (les noms de « l’homme » avant d’être le Bouddha, l’Éveillé), n’est pas un Dieu. Bouddha était un être humain, comme un autre.Gautama est parti de chez lui pour comprendre quelle était cette souffrance qu’il pouvait ressentir lorsqu’il a pris conscience de la vieillesse, la maladie et la mort, d’où venait cette souffrance ? Il quitta son palais et se mit en chemin pour trouver la réponse. Rechercher ce qui est était à l’origine de la souffrance et trouver ce qui permettrait de donner de la joie aux êtres humains.Il se perfectionna jusqu’à atteindre l’Éveil (bodhi) et enseigna la voie qu’il a empruntée et que nous suivons toujours encore aujourd’hui. En suivant son exemple, nous pouvons nous aussi réaliser notre nature de Bouddha.

Les Bouddhistes Zen croient-ils en Dieu ?

Il y a quelques questions auxquelles Bouddha n’a pas répondu, l’une d’elles concernait l’existence de Dieu. Non pas que Bouddha ne savait pas y répondre, mais pour lui cette question n’était pas un sujet fondamental. Dieu est un concept inventé par l’homme pour les hommes. Dans le bouddhisme Zen on ne croit pas en un être divin qui règne sur les hommes ou autre chose d’ailleurs.

Pourquoi le Bouddha est-il si gros ?

Le bonhomme obèse et souriant représenté sous formes de statues ne représente pas le Bouddha. Il représente une divinité Chinoise appelée « Budai » ou « Hotei » en japonais. Dieu de la joie, du bonheur et protecteur des enfants. Donc rien à voir avec le Bouddha historique.

Les Bouddhistes Zen vénèrent-ils des statues ?

Les adeptes du Zen, rendent hommage aux représentants de Bouddha, mais pas sous forme d’idolâtrie ou par des prières. Les statues telles que par exemple Kannon (Avalokitésvara) représente l’émanation de la compassion du Bouddha ou Manjusri représenté avec l’épée de la sagesse dans sa main qui tranche les illusions. Tous deux sont des Bodhisattva. En se prosternant devant une statue du Bouddha, le pratiquant remercie et rend hommage à la transmission de la pratique et de l’enseignement (Dharma).

Les Bouddhistes Zen ont-ils des prières ?

Comme les Bouddhistes ne croient pas en un Dieu, évidemment les Bouddhistes zen ne prient pas. Dans l’enseignement du Zen, tout existe de façon interdépendante. Pas de séparation entre l’ordre des choses et soi, il n’y a donc rien à qui ou à quoi adresser une prière.

Le Zen est-il une religion ?

Le Zen va au-delà de la religion « ordinaire ». Il est la religion d’avant les religions. Il n’y a pas de dogmes comme dans les religions. Certain le présente comme une religion, d’autre comme une philosophie ou d’autre encore comme une manière de vivre. Tout cela n’est pas vraiment faux, mais pas exactement juste. Le Zen est un chemin, qui intègre l’homme, la nature, l’éthique, la sagesse et la compassion. Si on réunit le tout on peut appeler ça une « religion » dans le sens spirituel du terme « réaliser la non-séparation » … Relier !

Y-a-t-il une différence entre le Zen et le Bouddhisme ?

La source du bouddhisme est d’origine indienne et donc culturellement influencée par la culture indienne. Quelques siècles après la mort du Bouddha, son enseignement est passé en Chine, en Asie du sud-est. Malheureusement, au travers de toutes ces migrations le Bouddhisme s’est transformé en une religion dogmatique avec ses croyances, ses rituels et cérémonies…
Le Zen est resté tel que le Bouddha l’a enseigné à l’origine avec le Dhyâna. Transmis de successeurs en Patriarches et Matriarches d’abord en Inde, puis en Chine par Bodhidharma (28ème patriarche) où il fut appelé « Chan ». Ensuite en Corée pour arriver au Japon où il fut appelé « Zen ». Maître Dogen l’y a réintroduit avec les racines du Dhyâna d’origine. Puis de successeur en successeur jusqu’à nos jours par Kodo Sawaki. Enfin il fut introduit en Europe par Maître Deshimaru qui est resté fidèle à l’enseignement de Dogen en mettant l’accent sur la pratique de Zazen, et non sur les rituels ou concepts théoriques.

Pourquoi dans le Zen on se prosterne ?

Les prosternations dans le Zen sont appelées « paï » ou « gotaï-tochi ». Go veut dire cinq, taï corps. Les cinq parties du corps, les deux genoux, deux coudes et la tête. Tochi signifie amener au sol.
Les paï se pratiquent de manière suivante. Tenez-vous droit et inclinez-vous en gassho (mains jointes) à partir de la taille. Pliez ensuite vos genoux jusqu’à ce qu’ils touchent le sol. Inclinez-vous en avant depuis la taille, pour toucher le sol avec vos mains (paumes vers le haut), vos avant-bras et le front. Soulevez vos paumes à hauteur de vos oreilles et gardez cette position un moment. Ramenez vos mains en gassho, relevez-vous et inclinez-vous en une fois comme vous l’avez fait au début. Se prosterner de cette façon trois fois est appelé sanpaï.
Les prosternations sont un signe de reconnaissance et de respect envers l’enseignement du Bouddha, le Bouddha lui-même ainsi que les maîtres de la transmission.

Doit-on quitter sa Religion pour pratiquer le Zen ?

Faut-il devenir bouddhiste ? Faut-il se convertir ?… Quitter une chose, sa religion, ou une idéologie pour plonger dans une autre n’est pas une bonne solution. Bouddha ainsi que les Patriarches qui lui ont succédé, aucun d’entre eux, par le fait même de leur respect des croyances ou non de chacun, n’a voulu convertir qui que ce soit.
Depuis des millénaires les philosophes grecs, les mystiques chrétiens, soufis et autres maîtres bouddhistes nous invitent à se « connaître soi-même. » Simplement parce que c’est le point de départ pour réaliser une liaison spirituelle. C’est la condition nécessaire pour qu’une relation humaine puisse être créée. Pour moi, c’est ce que j’appelle « religion » ! Le Zen est au-delà de la religion, cette décision n’appartient qu’à vous. Notez bien que beaucoup de prêtres et moines chrétiens pratiquent Zazen dans leur quotidien.

Comment devenir Bouddhiste Zen ?

Pour entrer dans le zen, pas besoin de devenir Bouddhiste. Il vous suffit de pratiquer Zazen, ici et maintenant, car fondamentalement le Zen, c’est Zazen. Il suffit de trouver un dojo Zen où vous pourrez apprendre la posture ainsi que les règles d’un dojo. C’est un zen « laïque » qui tourne autour de votre vie quotidienne.
Si par la suite vous ressentez le besoin de vous engager sur la voie du Bouddhisme Zen et peut-être demander votre ordination de moine ou de moniale, il vous suffira d’accepter qu’à partir de ce moment-là ce sera votre vie quotidienne qui tournera autour du Zen.

Qu’en est-il de la sexualité dans Le Zen ?

La sexualité est la base de la vie. Fondamentalement, pas de sexualité, pas d’humanité. Dans le Bouddhisme Zen il y a dix préceptes. L’un d’entre eux concerne la sexualité. « Ne pas convoiter », en l’occurrence, ne pas avoir une mauvaise sexualité. Elle ne doit pas juste assouvir une pulsion ou un plaisir égoïste sans se soucier de son partenaire. Le Zen n’interdit pas l’amour. Mais le véritable amour n’est pas une convoitise, ne pas vouloir posséder l’autre, mais vouloir son bonheur. Dans le cas contraire naîtra la jalousie, la colère voire la violence. Quand on pratique Zazen, naturellement, le véritable amour pour toutes les existences se développe.

Qu’en est-il des désirs dans le Zen ?

Les désirs, comme la sexualité, font partie intégrante de la nature humaine. Dans les 12 causes interdépendantes ou coproduction conditionnée (innen), le désir se trouve à la huitième place. Mais en même temps, parmi les douze, elle est la première cause générée par nos propres actes. Á partir de ce point de la production conditionnée se dessine la différence entre les êtres ordinaires et les sages. Ces derniers sachant ne pas recréer de nouvelles empreintes karmiques.
Le désir comme la sexualité d’ailleurs fait partie de la vie. Le Bouddha n’a jamais enseigné que nous devions supprimer les désirs. Il nous rend en revanche attentif à l’attachement aux désirs. Les désirs comme le sexe ne doivent pas devenir une prison et nous ne devons pas en devenir esclaves.

Quel est le point de vue du Bouddhisme à propos de l’argent ?

L’argent est un moyen qui peut être utilisé habilement. En avoir n’est pas un problème. En revanche ce qui peut en devenir un, c’est l’attachement à l’argent. Si vous prenez l’argent comme un moyen destiné à être utilisé d’une manière juste, comme nous y sommes invités dans l’octuple sentier par « les moyens d’existence juste », alors il n’est aucunement un problème. La façon de gagner de l’argent et de subvenir à ses besoins sans nuire aux êtres vivants est déterminante. Nous devons exercer une activité professionnelle qui ne trahisse pas ce que nous avons pu réaliser de la voie à travers notre pratique de Zazen. Mais toujours rester vigilant et ne pas se laissez être utilisé par l’argent.

Comment vivre la vie quotidienne avec l’esprit du Zen ?

Rien de plus normal, vous ne devez pas déranger les autres avec le Zen. Vivez la vie ordinaire avec intensité, car chaque instant est unique n’en perdez pas une miette. Soyez totalement présent à chaque moment de votre quotidien, au travail avec votre famille, vos enfants vos amis de manière à n’avoir rien à regretter. Prenez les enseignements du Bouddha comme règles de vie, par exemple l’octuple sentier, les paramita… Harmonisez-vous avec le milieu dans lequel vous vous trouvez, Zazen vous y aidera sans aucun doute.

Qu’elle est le point de vue du Bouddhisme Zen au sujet de la réincarnation ?

Au sein du Bouddhisme il est souvent question de « réincarnation » en relation avec le samsara, mais pour éviter la confusion, j’appellerai ce cycle plutôt « renaissance. »
Fondamentalement le plus important n’est pas de se préoccuper de savoir si nous avons déjà vécu avant ou allons renaître après la mort, car ce besoin relève encore de la peur de la mort qui est la mère de toutes les peurs. Ce sont des hypothèses qui ne sont pas très importantes. Le Bouddha a enseigné les notions de karma, de samsara ou de renaissance parce qu’il en a fait l’expérience lors de son éveil et qu’il a compris l’enchainement des causes et conditions de la renaissance (innen). Ainsi il a pu rendre les gens attentifs et responsables quant aux effets de leurs actes, paroles et pensées qui laissent des traces et causent leurs conditions de renaissance.
Dans le Zen, on ne s’en soucie pas plus que ça, sans pour autant les rejeter. Ce qui en revanche mérite plus notre attention, est de savoir, une fois sorti du lit le matin, comment vivre la journée dans le respect des principes de la voie du Zen. Car ce qui importe le plus est le moment présent, ici et maintenant, c’est le seul qui existe réellement.

Qu’en est-il à propos du Karma dans le Bouddhisme Zen ?

Quel que soit le cas de figure, dans notre vie quotidienne, dans chacun des moments que nous traversons, nous produisons celui qui va venir, d’une certaine façon, nous fabriquons notre avenir. Ce fonctionnement est par ailleurs le sujet même de cause à effet qu’on appelle le karma, et c’est inévitable, on ne peut pas se soustraire du karma. Même si Zazen coupe le karma, c’est là aussi le karma. La chose la plus importante, c’est de s’occuper de ce qui se passe aujourd’hui, ici et maintenant. Ne pas fuir l’instant présent, être totalement dans ce qui doit être fait, jusqu’au bout, « zanshin ». Ainsi ce qui est terminé est bel et bien terminé. Même si ce que nous avons à faire est difficile, si nous devons le faire il faut le faire jusqu’au bout. Même si aujourd’hui nous sommes en train de construire les conditions à venir, ce qui n’est pas encore arrivé n’existe pas. Toutefois, tenant compte de ce que nos actes et paroles risquent de générer, il est préférable que ceux-ci soient en cohérence avec le Dharma, l’octuple sentier, les préceptes ou les paramita !