La joie dans la pratique du Dharma

A propos de ces trois poisons : on a parlé de l’avidité, de l’ignorance, mais il y a aussi la haine qui est presque le contraire de la joie. Quand on est habité par la haine, on est comme empoisonné par ce sentiment extrêmement négatif qui consiste à vouloir se venger, à vouloir le malheur des autres, parce que l’on les déteste parce qu’ils nous ont fait du mal. Or se libérer de la haine et être capable de pardonner, c’est aussi une source de joie. Apprendre le pardon.

Un autre aspect de la joie de la pratique, c’est qu’elle nous guérit du manque, et surtout de la peur de perdre ce que nous possédons. Ça, c’est quelque chose qui est très développé dans notre société matérialiste et moderne. Pour beaucoup de gens, leur bonheur tient à ce qu’ils possèdent, à ce qu’ils ont enfin réussi à se procurer, une nouvelle voiture, une belle maison, je ne sais pas quoi encore, et du coup, ça crée une dépendance. Cela ne veut pas dire qu’il faut vivre comme un mendiant, mais relativiser l’importance des biens matériels qu’on possède et ne pas en attendre une joie excessive. Trouver plutôt la joie dans la réalisation spirituelle, dans la relation aux autres et pas tellement dans la relation aux objets, aux possessions, etc.

Autrement dit, la pratique de la Voie du Bouddha nous aide à ne pas dépendre de ce qu’on peut perdre. D’ailleurs Kodo Sawaki disait : « Pratiquer le zen, la Voie du Bouddha, le Bouddhisme zen, c’est apprendre à perdre ». C’est-à-dire apprendre à perdre sans avoir peur de perdre, et sans avoir des regrets de ce que nous avons perdu, de façon à ne pas gâcher notre joie de vivre à cause de cela.

Quand on est triste, le contraire de la joie, on cherche à se libérer de cette tristesse et c’est normal. Mais quand on est joyeux, on n’a besoin de rien, on est pleinement satisfait. Donc on peut avoir l’esprit libre, dégagé de toute préoccupation, en tous les cas en ce qui concerne notre propre ego. On peut se préoccuper des autres par contre, et partager. Se préoccuper de partager, c’est qui est pour nous la source de la joie, c’est-à-dire cette paix de l’esprit, cette générosité dans l’existence. En principe, ça devrait rayonner autour de nous. Quand je vois autour de moi des gens qui sont tristes, qui ne sont pas joyeux, je me préoccupe tout de suite de savoir ce qu’il leur arrive, pourquoi et comment, pour les aider à remédier à leur malheur.

Cela me rappelle d’une phrase de Ryokan que j’aime beaucoup. Dans un poème, il termine en disant : « Chers amis, si j’ai un conseil à vous donner, pour être véritablement heureux, nous n’avons pas besoin de beaucoup de choses. »

Je pense aussi qu’une source de joie liée à notre pratique est que l’on prend confiance dans le fait qu’on est capable de transformer les phénomènes. Dans la vie quotidienne il nous arrive toutes sortes de choses, des choses heureuses, des choses malheureuses. Évidemment, on s’attache aux choses heureuses et on n’aime pas beaucoup les choses malheureuses. Mais si on prend confiance dans le fait que, même les choses malheureuses qu’on constate, que l’on vit et expérimente, peuvent être transformées grâce à l’esprit qu’on développe en zazen, finalement ça donne une grande confiance dans la vie et ça n’affecte pas (pas trop en tous les cas), notre joie de vivre. Je trouve que cela est très important aussi : avoir confiance, avoir foi, vraiment foi en soi-même, foi dans le fait qu’on est capable – grâce à notre pratique de la Voie – de transformer les phénomènes et de remédier aux causes de la souffrance.