Traductions ABZE disponibles (PDF) :
Par Ines Steggewentze à Buchenwald en 2017 (Allemagne)
Lorsque j’ai décidé de faire un teisho ici à Buchenwald, il était clair pour moi que le sujet devait être pourquoi il est si important de pratiquer ici.
En 2001 Heinz-Jürgen et moi avons lancé cette pratique ici à Buchenwald. Celle-ci a constamment évolué sur une période de 16 ans, et ce à travers notre expérience grandissante, à travers les expériences des participants, à travers la rencontre avec des hommes qui ont survécu au camp, et avec les gens qui travaillent en ce lieu. Mais depuis le départ, c’est zazen qui est la source de notre pratique. Les autres formes de pratique se sont transformées au fil des années mais elles ont toujours été et sont aujourd’hui encore indissociables de zazen.
La pratique de zazen existait déjà avant Bouddha Shakyamuni ; elle a été transmise jusqu’à nous par les prédécesseurs de Dharma et existera encore après nous.
Pratiquer à Buchenwald a énormément étendu ma façon de suivre vraiment le chemin de Bouddha et de vivre vraiment les vœux de bodhisattva.
Ce teisho va traiter du gyoji de la pratique qui se réalise de façon infinie dans l’espace et dans le temps.
Je vous propose d’écouter ce teisho comme l’état actuel de ma compréhension du Dharma de Bouddha et comme ma vision actuelle de la réalité. La réalité elle-même n’est pas exprimable, on peut juste en faire l’expérience.
Gyoji, qu’est-ce que c’est ?
Maître Dogen a transmis le chemin du zen que nous pratiquons aujourd’hui en Europe de Chine au Japon dans la première moitié du XIIIe siècle. Son œuvre principale, le Shobogenzo, rassemble des discours théoriques et des consignes de pratique, principalement pour les moines. Il a consacré deux chapitres au gyoji.
Gyoji est traduit dans le Shobogenzo par l’expression « le maintien de la pratique pure » : gyo est la pratique pure, le pur faire, le pur agir. Ji signifie préserver ou maintenir : « le maintien de la pratique pure ». Maître Deshimaru, qui a rapporté la voie du zen que nous pratiquons du Japon en Europe il y a 50 ans a traduit gyoji par l’expression « répéter la pratique » ou « poursuivre la pratique ».
Gyoji est aussi décrit comme « le cercle de la voie » qui est constitué du maintien de la pure pratique de Bouddha et des ancêtres et se poursuit sans début ni fin. Ce cercle, cette pratique du chemin sans début ni fin, signifie qu’il n’y a pas de séparation entre notre pratique et notre action ; nous ne pratiquons pas pour nous éveiller, c’est notre pratique qui est l’expression de notre éveil. Pratique et action s’interpénètrent et sont l’expression de la pure pratique.
Maître Dogen dit dans le Shobogenzo Gyoji : « L’essentiel est que, au moment de ma pratique, toute la terre et tout le ciel soient unis à mon action dans toutes les dix directions de façon parfaite. »
Cela signifie : Notre expérience-pratique aujourd’hui, ici et maintenant, ne nous est possible que par la transmission de la pratique, par le maintien et la répétition de la pratique de Bouddha et des ancêtres. Et dans le sens inverse, la pratique de Bouddha et des ancêtres s’actualise par nous ici, aujourd’hui et maintenant. C’est ce que veut dire le cercle de la voie, le cercle de la pratique. La pratique sans interruption.
Ainsi notre pratique ici à Buchenwald est aussi partie de ce cercle, en ce que nous actualisons ici instant après un instant la pure pratique de Bouddha et des ancêtres.
Que pratiquons-nous ?
Maître Dogen accordait toujours dans ses enseignements la plus grande valeur à l’importance essentielle et l’expérience de zazen. Mais il estimait aussi beaucoup l’action dans la vie quotidienne. Il voyait ces deux comme indissociés.
Dans ce qui suit, je souhaite expliquer les points essentiels de notre pratique de zazen, mais aussi les relier à chaque fois à notre action, à notre action ici à Buchenwald.