Le sens de nos rituels

Traductions ABZE disponibles (PDF) :        

Teisho de Roland Yuno Rech, La Gendronnière – août 2008.

Pourquoi faire des cérémonies ? Quel est le sens des rituels ?

La raison d’être de ce teisho, c’est une conversation entendue ce matin après la gen mai, qui m’a alerté sur le fait que certains parmi vous étaient un peu irrités par les changements encore constatés dans notre rituel. Pour quelques uns, cela va même jusqu’à introduire des doutes dans leur esprit sur le sens de leur pratique et de leur participation. Cela m’a paru suffisamment important pour en parler tout de suite.

Je vais parler à plusieurs niveaux : d’une part de l’importance ou de la nécessité des cérémonies, de la récitation voire même de l’étude des sutra. Et d’autre part, de manière plus pratique, évoquer comment ça se fait que depuis quatre à cinq ans, vous assistez périodiquement à des changements dans le rituel, ici à la Gendronnière ou même dans les sangha.
Je vais d’abord essayer de clarifier quelle est la nécessité, s’il y en a une, ou le sens, s’il y en a un. Puis je répondrai à vos questions.

De la nécessité des cérémonies

Pour commencer sur la nécessité des cérémonies ou de la récitation des sutra, je voudrais dire que ma position est exactement la même que celle de Nyojo, rapportée par Dogen dans le Hokyoki, lorsque, interrogé par Dogen, Nyojo lui dit : « l’essence du zen c’est la pratique de zazen, corps et esprit totalement dépouillés, shin jin datsu raku ».
Et Nyojo ajoute : « il n’est pas nécessaire d’offrir de l’encens, de rendre hommage à Shakyamuni Bouddha, aux patriarches, etc…, ou de réciter le nembutsu (qui était en vogue à l’époque de Dogen et de Nyojo: ‘Namu Amida Butsu’ que l’on répétait comme un mantra). Il n’est pas nécessaire non plus de faire pénitence ou de se repentir, pas nécessaire de lire les sutra ou les réciter. Seulement s’asseoir en zazen, d’un seul esprit : shikantaza. »
Dans la suite du mondo, Dogen demande : « mais que veut dire shin jin datsu raku ? ».
Alors Nyojo insiste en disant : « Shin jin datsu raku c’est zazen. Quand vous faites zazen d’un seul esprit, c’est-à-dire totalement concentrés, absorbés dans la pratique de zazen, vous êtes libérés des cinq désirs et vous éliminez les cinq obstacles. » C’est-à-dire que vous êtes véritablement éveillés, libérés.

Ceci est le sens même de l’enseignement de Bouddha, de l’enseignement transmis : se libérer des causes de la souffrance et ainsi être capable de s’éveiller à la réalité telle qu’elle est. C’est clairement l’essence du zen qui a été transmis de Nyojo à Dogen, de Dogen à tous les maîtres de la transmission jusqu’à Kodo Sawaki, Maître Deshimaru et nous-mêmes.
Je crois que nous n’avons aucun doute là-dessus. En tout cas, pas moi.

Donc, de ce point de vue là, on peut dire que, zazen étant l’essence, on pourrait se contenter de faire seulement zazen : il n’y a aucune nécessité de faire des cérémonies, ni même d’étudier, de chanter ou de réciter des sutra.

Pour continuer dans cette direction, je vais me référer à un mondo célèbre entre un moine et Maître Gensha.

Le moine avait demandé à Gensha : « Est-ce que les Trois Véhicules – le premier étant le Véhicule des auditeurs, des shravaka, ceux qui s’éveillent à travers l’étude des Quatre Nobles Vérités ; le deuxième étant celui des pratyeka bouddha, les éveillés solitaires, qui généralement s’éveillent par la compréhension de la vacuité, à travers la compréhension des Douze Innen, des Douze Causes Interdépendantes ; le troisième Véhicule étant celui des bodhisattva dont la pratique fondamentale et la source d’éveil est la pratique des paramita – donc, est-ce que ces Trois véhicules, demande le moine, et les Douze Sortes d’Ecritures – car tous les enseignements du Bouddha ont été répertoriés, cela a abouti à un classement des sutra et des Ecritures en douze catégories, Douze Sortes d’Ecritures – alors est-ce que tout ça, est-ce que c’est non nécessaire ? Et qu’en est-il du sens de la venue de Bodhidharma de l’Ouest ? »
Et Gensha confirme : « Les Trois Véhicules et les Douze sortes d’Ecritures ne sont pas nécessaires. »

Autrement dit, l’étude des sutra et de tous les enseignements de Bouddha n’est pas nécessaire.