Les six Paramitas
Le bodhisattva va avoir comme pratique, bien sûr les quatre nobles vérités et la compréhension des douze causes interdépendantes mais il va avoir comme pratique essentielle les paramitas.
La générosité, le don, ce qui est très significatif ; le bodhisattva est vraiment un être généreux puisqu’il voue sa vie au service de l’éveil des autres. Les préceptes, l’éthique.
La patience ; une patience infinie pour venir en aide à tous les êtres puisqu’il a en fait le vœu jusqu’à la fin des temps, jusqu’à ce que tous le êtres soient libérés ; il cultive une énorme patience pour continuer sa pratique ; il patiente aussi par rapport au fait qu’il doit aussi lui-même encourir les souffrances fatales, de la renaissance, de la vieillesse et de la mort, pas celle du mauvais karma, des illusions, des attachements etc. puisqu’il est libéré mais au moins les souffrances fatales. Le Bouddha est mort de la dysenterie et il a eu une agonie pénible. Les maîtres pour la plupart meurent de cancer, de maladie comme tout le monde et ils ont des souffrances comme tout le monde.
Donc grande patience, nécessaire pour accomplir ses vœux de bodhisattva.
Une grande énergie, la pratique de l’énergie est un des grands aspects du Dharma qui est vécu par le bodhisattva.
Il doit pratiquer la méditation, le zazen et réaliser la sagesse.
Ce sont donc les six paramitas.
Généralement on considère comme pour l’octuple sentier, que les paramitas sont interchangeables entre elles. Du point de vue de l’enseignement du zen soto ce n’est pas le cas ; on considère que le zazen n’est pas une des paramitas parmi d’autres, la cinquième des paramitas dans l’ordre que j’ai cité mais la source de toutes les paramitas.
C’est notamment l’enseignement du jijuyu zanmai, de maître Menzan, qui est un enseignement merveilleux, où il reprend vraiment les bases de l’enseignement de maître Dogen, qui est vraiment une des bibles du zen soto. Il insiste beaucoup sur le fait que la méditation n’est pas une méditation comme un des membres de l’octuple sentier ou des six paramitas mais une pratique- réalisation de l’éveil, ici et maintenant, qui inclut toutes les paramitas et d’où toutes les paramitas s’expriment.
Paramita veut dire « aller, ou aller au delà » au delà du monde des souffrances, au delà des illusions, au delà de la vie d’errances, au delà du samsara, la ronde des renaissances, au delà c’est à dire sur ce qu’on appelle la rive du nirvana.
Il y a cette image où dans la traversée du samsara vers le nirvana, le Dharma est considéré comme une barque, donc un moyen pour atteindre cette autre rive. Dogen, dans le Bukkyo insiste beaucoup sur le fait, qu’en réalité, paramita ne veut pas seulement dire aller vers un lieu, comme le paradis, ou au delà de ses attachements, de l’avidité et de l’ignorance mais le sens d’aller est dans le lâcher prise immédiat. Il n’y a pas un mouvement dans le sens géographique comme un lieu à atteindre, c’est la cessation de l’avidité, de la haine et de l’ignorance. C’est quelque chose qu’on peut réaliser en zazen et dans la vie quotidienne à chaque fois où on lâche prise.
Dogen avait interrogé son maître Nyojo : « Pourquoi enseignez-vous qu’il faut abandonner ses bonnos, ses illusions, ses attachements, comme au hinayana, puisque vous êtes un maître zen du grand véhicule. »
Nyojo lui avait répondu : « Un véritable disciple de Bouddha ne doit négliger aucun enseignement du Bouddha. » Cela fonde ce que je suis entrain de dire à la suite de Dogen, au fait qu’il ne faut négliger aucun enseignement, ni l’octuple sentier, ni les douze causes interdépendantes, ni les six paramitas mais surtout dans la poursuite du dialogue entre Nyojo et Dogen, à un moment donné
Nyojo lui dit suite à l’idée que vouloir abandonner les bonno c’est une attitude dualiste du petit véhicule et qu’en fait « bonno soku bodai : les bonno eux-mêmes sont le satori, ce qui est souvent une bonne excuse pour rester dans les bonno (dans le sens de passions).Il serait dangereux de se séparer de ses bonno,mieux vaut les cultiver puisque c’est une forme d’éveil.Aussi Nyojo dit en substance : « les bonno ne sont l’éveil que si on les abandonne ». Ils sont inséparables de l’éveil, bien sûr, parce que s’il n’y a pas d’illusion il n’y a pas besoin d’éveil. Il n’y a d’éveil que par rapport à l’illusion mais il n’y a éveil que dans l’illusion reconnue comme illusion et donc abandonnée. Et il ajoute cette petite phrase : « Si vous ne réalisez pas cela, vous n’êtes pas disciples du Bouddha.Si vous n’abandonnez pas vos illusions vous n’êtes absolument pas disciples du Bouddha. Si par contre vous abandonnez ne serait ce qu’un petit attachement, dans le lâcher prise de shin jin datsu raku, vous réalisez le Dharma du Bouddha, vous rencontrez le Bouddha, c’est à dire que vous êtes semblable à Bouddha ; vous réalisez votre propre nature de Bouddha dans cet instant là.
La nature de Bouddha est ce qui fonde notre pratique, donc nous avons tous la capacité de nous éveiller au fait que ce qui fonde notre réalité, le Dharma, est déjà l’éveil, ( donc il y a déjà une certaine forme d’éveil originel) ; si nous n’avions pas déjà cette nature d’éveil nous ne pourrions pas rejoindre cet éveil et jamais échapper aux illusions mais cela ne peut se réaliser que dans une pratique réelle, concrète, qui engage la totalité du corps et de l’esprit ; cette pratique, c’est la pratique de zazen. C’est ce que Maître Dogen a transmis, ce que Maître Deshimaru a transmis et c’est, je suppose, pourquoi vous venez au dojo et c’est ainsi que s’actualise le Dharma du Bouddha.
Mais, encore une fois, il n’y a pas de Dharma du Bouddha sans zazen, mais il n’y a pas de véritable zazen sans compréhension de cette profondeur de l’enseignement du Bouddha telle que je l’ai présentée succinctement à travers ces trois éclairages : les quatre nobles vérités, les douze causes interdépendantes et, donc de la vacuité, et les six paramitas et surtout les paramitas mis en pratique, actualisées et pas seulement récitées comme des vœux. C’est quelque chose qui fonde, qui soutient notre vie.
Vous comprenez pourquoi j’ai choisi de parler du Dharma parce que c’est pour cela que nous sommes réunis : pour approfondir tout cet enseignement et pour le vivre ensemble que nous constituons une sangha, que nous cherchons un maître. S’il y a un maître c’est parce que il y a une certaine compréhension de cet enseignement que j’ai évoqué, pas seulement théorique mais une réalisation pratique, mais il y a aussi un chemin sur lequel je me considère et pour moi mon maître qui fut Maître Deshimaru et ce fut Niwa Zenji mais c’est aussi le Dharma, fondamentalement le Dharma.
Mon maître suivait le Dharma, Niwa Zenji qui m’a transmis le Dharma sous forme de shiho suivait ce Dharma, nous suivons tous ce Dharma et c’est ça qui fait que nous sommes une sangha. La sangha est ainsi parce que nous regardons tous dans la même direction et c’est ce qui devrait vous aider au niveau de votre vie concrète de Sangha du dojo de Bruxelles à surmonter vos éventuelles difficultés, à cause de conflits interpersonnels, d’ un manque parfois de motivation .Si cela arrive en vous rappelez-vous cet enseignement profond qui est le soutien de notre pratique. La pratique limitée à une pratique corporelle : « je m’assois, je fais zazen, c’est l’éveil, c’est le Dharma, il n’y a pas à se soucier d’autre chose », c’est dangereux parce que on risque d’avoir une pratique un peu mécanique sans compréhension et qui n’apporte pas l’éveil.
Le but de tout ça c’était surtout une rencontre avec vous. C’était un peu un prétexte de parler du Dharma, aussi de vivre cette Sangha, cette communauté.