Entretien avec André, 64 ans
Comment es-tu arrivé au zen ?
Il y a vingt-cinq ans, la grande question du sens me préoccupait. C’était l’époque où je travaillais dans un hospice et où je côtoyais quotidiennement des jeunes qui mouraient. Cela m’a amené à me poser des questions sur le sens de la vie et de la mort. Chaque personne meurt d’une manière différente. Je me suis souvent demandé ce qui serait important pour moi quand ce serait mon tour.
Une expérience m’avait beaucoup marqué. Un jeune patient est mort d’une manière que je n’ai plus jamais revue par la suite. Il était très serein face à la mort. Bien qu’il souffre énormément, il était toujours présent, il était toujours là ici et maintenant. Il semblait connaître le moment de sa mort ou même pouvoir le contrôler. Je ne sais pas… Ce patient avait indiqué lors de son inscription qu’il était bouddhiste. Nous n’avons pas pu en parler beaucoup parce qu’il avait du mal à communiquer, mais j’avais compris que le bouddhisme avait une grande importance pour lui. Je connaissais bien sûr le bouddhisme et j’avais lu des livres à ce sujet. Mais cette expérience m’a donné une certaine énergie, j’ai donc commencé à m’y intéresser.
C’est en cherchant un groupe que j’ai commencé à pratiquer le Vipassana. Au début, j’étais étonné et je me demandais : « Est-ce que c’est seulement cela ? Simplement s’asseoir ? » Mais ensuite, j’ai remarqué les effets. À l’époque, je travaillais encore et je n’avais suivi que quelques cours. Plus tard, j’ai commencé à prendre du temps pour méditer à la maison également. Dès le début, il était important pour moi de ne pas faire de séparation entre le temps de méditation et le temps où je faisais autre chose.
A un moment donné, le groupe s’est dissous et j’ai continué longtemps à pratiquer seul à la maison. Mais je me suis rendu compte que je voulais partager la pratique avec d’autres personnes et je me suis remis à la recherche d’un groupe. Une seule chose était claire pour moi à l’époque : je n’irai certainement pas au zen.
Pourquoi ?
Dans la ville où j’habite, je connais un maître zen qui fait de grandes affaires avec le zen, le zen pour les managers ou quelque chose comme ça. Ce n’était pas pour moi.
J’ai donc parcouru une liste de groupes bouddhistes et un dojo zen y figurait en dernier. J’ai d’abord été prudent, mais j’ai finalement suivi une initiation. Après avoir participé à quelques zazen, j’ai réalisé que je m’y sentais bien. Je continue à y aller, même si ce n’est pas toujours facile.
Quel est le rôle du zen dans ta vie aujourd’hui ?
Le zen est toujours présent. Je ne me dis pas tout le temps que je suis un pratiquant du zen, mais cela fait partie intégrale de ma vie. Le zen est présent dans mes actions, dans mon travail, même si ce n’est pas évident pour les gens. Par exemple, avant de recevoir un patient, je pratique zazen pendant dix minutes au lieu de lire des dossiers. J’ai remarqué que je me souviens quand même de ce qui s’est passé lors du dernier traitement.
Dans ma vie privée, c’est pareil. Mon compagnon ne pratique pas, mais il est bienveillant envers le zen. Même s’il y a parfois des tensions, il est clair pour lui que le zen est au centre de ma vie.
Est-ce que la question du sens de la vie et de la mort continue de te préoccuper aujourd’hui ?
Je ne sais pas si on peut répondre à cette question, mais pour moi, ce n’est plus une question. On vit et on meurt. Il y a des moments qui sont difficiles, mais on peut un peu les influencer.
Au début, j’étais déjà un peu calculateur. Je pensais que si je pratiquais zazen, la mort serait plus facile. Maintenant, je ne suis même pas sûr que ce sera le cas. Mais en fait, cela m’est devenu égal. Maintenant, je vis ! La vie est une pratique.