Il s’appelait Henri

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Par Catherine Finsterwald, dojo de Clarens, (Suisse)

Catherine Finsterwald est accompagnante bénévole auprès des personnes en fin de vie

Il s’appelait Henri. Je suis arrivée à 9 heures du soir dans sa chambre au Centre Hospitalier Universitaire. Sa femme, ses 2 enfants, adolescents comme les miens, sont à ses côtés. Sa compagne, assumant avec lucidité et désespoir les évènements, ainsi que la fin prochaine de son mari. Les enfants, courageux et perdus. Lui, dans le coma me dit-on. Aucun mouvement, le masque de la mort déjà là, les yeux révulsés. Le quitter ne leur est pas facile, il y a beaucoup d’émotions et la tendresse qu’ils ont pour Henri transparaît dans leurs gestes. Ils partent se reposer, soulagés de me savoir présente, là.

Je prends ma place, petit à petit. Assise sur une chaise, proche de son lit, pieds bien placés au sol, dos droit, respiration ample et régulière… L’atmosphère dans la chambre se calme. Je m’approche mentalement d’Henri et le sens très présent.

Il se passe comme un dialogue sans paroles entre nous, comme un échange d’énergie, un flux difficile à qualifier. La nuit s’avance, rien ne bouge. Les yeux d’Henri toujours identiques, blancs, aucun mouvement n’est perceptible. Nous avons repris un échange à plusieurs moments, puis il s’éloigne, loin, dans un lieu qui lui appartient, et je sens que sa présence n’est pas là, puis il revient.

Voilà ce que j’ai ressenti, ce qui m’a été perceptible dans ou par mon corps … mais en même temps, ne suis-je pas en train d’imaginer tout cela ? N’est-ce pas ma seule pensée qui me fait m’illusionner sur une relation qui n’en est pas une ? Je reste là, avec mes questions. Mais après tout, seul m’importe ce que je perçois et tant pis si cela ne repose sur rien ! J’ai quelque chose à donner à Henri, de l’ordre de la sérénité, de ma respiration tranquille, de mon acceptation. Il a aussi quelque chose à me dire, qu’il est là, sa présence transcende son corps, il y a une relation entre nous. Les heures passent,

Le matin arrivant, je suis très émue au moment de partir, et à son chevet, discrètement, toujours sans paroles, je lui dis : « Merci, courage pour ce qui viendra, au revoir, je suis heureuse de vous avoir connu… »

Et là, lentement, il abaisse les paupières, comme pour me dire (c’est mon interprétation !) : « Merci et au-revoir… »

Je sors de la chambre, complètement ahurie, en me disant que – décidemment – je me pose de drôles de questions et que la réalité, une fois de plus est plus riche que tout ce que je peux m’imaginer ! Quel cadeau Henri m’a fait…