Un festival annoncé à la dernière minute

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Par Chiara Pandolfi

De retour d’un weekend assourdissant mais enthousiasmant passé au stand Zen du Festival de l’Orient à Milan, je voudrais partager à chaud avec vous quelques impressions.

Arrivés au stand Zen le jeudi après-midi, nous avions une vague idée de comment installer la zone de 6 mètres sur 6 avec le matériel offert par Edo grâce à son travail de graphiste publicitaire : des poteaux et des câbles professionnels, de belles photographies cartonnées avec les images créées par Geneviève Gauckler, des logos de l’AZI, quelques tissus pour les tables, des Bouddhas et du matériel pour l’autel, des bancs, des cubes en bois, l’idée d’une table pour la boutique, quelques fleurs et de quoi faire une petite zone de repos.

Puis nous nous sommes retrouvées devant la responsable de l’organisation du Festival qui – elle – avait une idée très claire en tête: créer une zone qui ressemblait à un vrai temple zen. Pas de tables pour vendre quoi que ce soit, mais une zone simplement spirituelle, avec des moines en tenue de pratique… « Je veux une grande estrade, avec un grand Bouddha au milieu. Attendez, je vais chercher un beau Bouddha ! » Et elle revint avec trois statues, empruntées à un stand de meubles orientaux.

Elena et moi sommes restées à ce moment-là un peu éberluées et assez ennuyées : « tout ce travail pour tout imprimer, l’achat de livres et d’encens … et maintenant, on nous disait qu’on ne pouvait rien exposer ». Finalement, « oui, on pouvait, mais sans être trop visibles ! » Et comme le stand était gratuitement mis à notre disposition, nous avons acquiescé et laissé faire.

Nous avons découvert l’installation finale le matin du premier jour seulement. Pas mal du tout ! Les deux Bouddhas et la grande tête de Bouddha faisaient un bel ensemble et il y avait une petite table où nous pouvions déposer les brochures et les dépliants. Nous étions contentes.

C’était un stand très coloré, le rouge vif nous plaisait et allait bien avec les zafus noirs. Tout avait trouvé sa juste place. Le tissu noir que nous pensions utiliser pour la table de la boutique a servi comme arrière-plan pour le grand autel et nous protégeait au moins un peu d’un côté, il nous offrait un peu plus d’intimité. Une jolie poutre qui rappelait une section de canne de bambou et qui avait été récupérée lors des travaux de menuiserie à la zone « Jardin Zen » a servi comme seuil du zendo.

« Nous sommes prêtes ! On y va! »

Ponctuel, le vendredi matin à 10 heures 30, le flot des visiteurs commence. Moi aux initiations et Nilska à l’accueil. Les initiations se succèdent l’une après l’autre sans interruption jusqu’à 1 heures 30, quand Nilska me dit « qu’elle doit partir pour rentrer à Bergame, mais qu’Elena devrait bientôt arriver … » A 16 heures 30, il vaut mieux avaler quelque chose et je cours au restaurant indien. On fait sans relâche des initiations : on passe d’intimes tête-à-tête à des groupes de 5 à 7 personnes, mais quand le bruit est trop fort, il faut rester très proches d’eux, car sinon je découvre que les gens s’efforcent de lire ce que je dis sur mes lèvres parce qu’ils ne m’entendent pas!

C’est trop… Musique, bruit, sons, odeurs, un flux interrompu de personnes qui se déplacent. Et les pensées ? En expliquant la posture, je m’aperçois que – dans une telle situation – il y a tellement de sollicitations sensorielles que les pensées succombent, n’arrivent plus ! Inutile de dire : « Si une pensée arrive, laissez-la passer… » La seule bouée de sauvetage dans ce bruyant chaos, c’est de rester en contact avec la respiration et les visualisations qui servent de point d’appui, rochers à quoi s’accrocher dans cette mer houleuse. Sinon il n’y a presque rien, à ce moment-là, qui puisse nous faire nous réunir, nous reconnecter au corps, ou à nous-même.

Les images, les métaphores zen viennent en aide, toutes celles dont je me souviens. Et si j’utilise toujours les mêmes, c’est un bon exercice d’essayer de les proposer chaque fois sans répéter toujours les mêmes mots. En fait, chaque explication est toujours nouvelle, j’essaie de comprendre la personne qui est en face de moi, je vois que beaucoup de gens respirent en haussant les épaules, ont une respiration très brève, haute, agitée; alors je me rappelle d’autres enseignements. Il est important d’être en contact avec les personnes, de poser quelques questions au début pour avoir des renseignements en plus, au-delà du physique de leur corps, de leur difficulté à s’asseoir, pour savoir pourquoi elles veulent essayer la méditation, quel genre de vie elles mènent, quel travail elles font. Ce sont des infos qu’on arrive à arracher avant de franchir la poutre du zendo et après avoir bien aligné les chaussures.

Ce que les gens veulent essayer, c’est de méditer, de se déconnecter pour un instant de l’extérieur, retrouver la paix à l’intérieur, comprendre ce que c’est et savoir comment la recontacter une fois rentrés à la maison.

J’ai compris que, pour que l’expérience puisse laisser une trace, il était important d’amener quelque chose de soi et que même là, dans cette cohue surchargée d’une excitation presque douloureuse, on pouvait déjà trouver une nouvelle manière d’être et de marcher, pas après pas, corps tendu vers le ciel, souffle allant vers le bas ventre. « Quand vous vous lèverez et repasserez le seuil de ce petit zendo, que vous remettrez vos chaussures et reprendrez votre marche dans cette pagaille, votre pas sera plus conscient, comme votre souffle, vos yeux auront moins faim, moins de désir de tout voir et de ne rien manquer, moins d’envie d’accaparer toutes sortes d’objets, moins d’avidité de posséder.

La variété des personnes qui se sont assises en méditation est incroyable: le carabinier juste rentré d’une mission à l’étranger et qui éprouve un besoin fort de méditer (il racontera le lendemain qu’une fois arrivé chez lui, il est allé dans un dojo pas loin, un dojo d’une autre sangha) ; le gamin de neuf ans, curieux de tout selon sa maman, qui s’assoit en zazen pendant qu’elle l’attend dehors ; quatre amies entre 16 et 22 ans, une avec une forte sensation de vide à l’estomac, une autre qui s’aperçoit que son cou tremble et veut comprendre pourquoi; un papa et une maman avec leurs fille et fils adolescents forcés de s’asseoir avec eux; un couple au bord de la crise de nerfs (elle veut que son compagnon s’asseye parce que « plein de colère » et une fois qu’ils sont assis, je m’aperçois que c’est elle la plus agitée, la plus dans le besoin à ce moment-là); un jeune musulman très attiré par la méditation; deux amies très douces avec leur chien qui méditera aussi avec nous; un groupe de jeunes ingénieurs riant comme des ados, mais qui découvrent l’importance de la posture au travail, de faire une chose à la fois, et qui comprennent l’impact que tout cela peut avoir sur le reste au bureau, qui comprennent l’importance du calme et d’avoir une vision qui va au-delà du seul travail; quelqu’un qui pratique dans d’autres sanghas, mais qui s’assoit pour récupérer un peu de paix ; une dame qui n’arrive pas du tout à s’asseoir sur le zafu et à qui nous offrons une chaise, et qui en est contente… Tout ça, grâce à un petit zazen goûté dans le chaos.

Et moi qui aurais voulu aller en sesshin à Pégomas, me voilà en train de pratiquer zazen non-stop en recevant une multitude de précieux enseignements !

D’après un calcul approximatif, on peut estimer qu’en trois jours nous avons initié au zazen environ 500 personnes et collecté une centaine de contacts par e-mail.

Merci à nos amis : Alba, Beppe, Alessandro, Arianne, Eli et les autres … Vous avez ouvert une porte importante pour continuer la transmission du zen de Deshimaru, de Roland !

Merci aussi aux amis des dojos de Milan et de Bergame, une super équipe !