Poème de sesshin

Traductions ABZE disponibles (PDF) :   

Par Marc Van der Maat, un moine idiot, Bruxelles (Belgien)

Le silence
calligraphie
gracieusement
un silence

Sur l’autel
l’encens
spirale
gracieusement
vers les étoiles

bruissement
d’un kesa
avançant
derrière des bouddhas
assis

avec la sangha
le godo
entre
dans
un jour nouveau

à la cuisine
le tenzo
tourne
attentivement
dans la marmite
de genmaï

au réfectoire
les chaises
observent
attentivement
elles-aussi
le silence

diverses voix
aux timbres individuels …
mais

u n e   s a n g h a
u n e   h a r m o n i e
u n   S o u t r a   d u   C o e u r

en résonance universelle
un avec tous les êtres
pour tous les êtres

Gyatei gyatei
        Hara gyatei …

la clochette
clairement et joyeusement
ouvre la voie
sur un tapis doux
de feuilles colorées
et
de bogues pointues de marronniers

comme de
magnifiques fleurs printanières
écloses et ouvertes en plein automne
pour parfumer
le Dharma

godo et tenzo
offrent l’encens au réfectoire

la statuette de Bouddha
regarde sereinement
à travers
tous nos cœurs fumants
et
stimule ainsi
notre faim pour
la pratique

samu par-ci
samu par-là
frotter par-ci et
frotter par-là

ici et maintenant ici
et de même aussi là-bas
tout le monde frotte, frotte,
nettoye, range, rince et purifie
tout le bazar personnel et collectif
tout le rim-ram, bric-à-brac actif et inactif

quel spectacle c’est un miracle, magnifique
un par-ci et une autre par-là
naturellement, spontanément
les ordures personnelles et collectives
sont recyclées en composte dharmique

samu par-ci,
samu par-là,
tra-la-la

au dojo
grand silence

dehors
les marrons tombent du ciel
avec grand fracas jusqu’au sol
coloré du Hanebos
et certains essayent même de
parvenir jusqu’à la statuette sur l’autel
à travers la porte-fenêtre grande ouverte
au soleil

ils suivent le Dharma
sans se soucier de ce qui vient
« Soyez comme les marrons qui tombent, »
nous dit le Maître pendant le kusen,
« détaché, dépouillé en corps et esprit. »
« Shin jin datsu raku »

le soleil se couche et les étoiles apparaissent
haut dans le ciel
les arbres et les marrons se taisent maintenant
et écoutent avec bienveillance pendant quelques instants

au dojo
c’est le grand silence

dernier après-midi
soleil et visages rayonnants
l’univers entier
se réjouit avec la sangha

les clochettes tintillent
le bois résonne
le tambour fait la pétarade
et la grande cloche frémit de bonheur

Jukaï
après les voeux
un nouveau bodhisattva est accueilli
chaleureusement dans la sainte sangha

tous les Bouddhas, tous les Maîtres et Patriarches
se joignent à nous :

sanpai!
tout est nettoyé
les véhicules sont chargés
un dernier rire, une dernière accolade, et
au-revoir

dans nos habits civils nous
plongeons à nouveau dans le monde sur-activé

à peine sortis de notre bois automnal
les voitures en claxonnant rasent de beaucoup trop près
nos kolomos bien pliés
que des motards assourdissants n’arrivent tout juste pas
à éclabousser

l’odeur d’encens et de choko dans nos kesas
parfume le bitume, l’acier et le béton
dans le désert citadin et dans les coeurs cimentés

notre nouvelle sesshin déjà
commence ici et maintenant, à l’instant

au-milieu de ce pandémonium d’êtres humanoïdes
issus des technologies de pointe,
être,
simplement,
être,
comme les marrons tombants dans le bois . . .