L’appel au réveil

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Par Michel Jigen Fabra, dojo de Poitiers (France)

Voici dans quelle configuration et quel état d’esprit s’est retrouvé le dojo Zen de Poitiers pendant ce temps d’arrêt. Confinés, quelques moines et nonnes nous avons eu l’élan d’intensifier encore la pratique pour aider à apaiser les tourments.

Cette période est à plusieurs titres, au-delà de son caractère dramatique, pour le moins étonnante. Il me semble qu’elle appelle au réveil, comme tant de fois la vie nous l’a suggéré, qu’elle est une invitation à plonger dans l’instant présent.

Tous les aspects s’y retrouvent, à la fois visibles et invisibles, économiques, sanitaires, sociaux… En plus des évidences que cette crise met à jour, je ne peux m’empêcher d’établir des parallèles religieux, spirituels.

Le confinement a coïncidé, pour les Chrétiens, à l’observation de Carême : diminuer nos besoins, diminuer notre avidité, diminuer notre arrogance. Pour nous Bouddhistes, c’est la possibilité de basculer des trois poisons aux trois trésors. C’est un mouvement de communion pour tous.

Le 25 mars, c’était l’Annonciation chez les Chrétiens. Maître Dôgen a écrit un chapitre dans le Shôbôgenzô qui s’appelle Juki, l’Annonciation. Et si c’était le moment annoncé ? l’annonce de notre réveil, de notre devoir de s’éveiller. « L’Annonciation n’est autre, dit Dôgen, que le sourire de Mahakasyapa dans un visage éclos. » L’Annonciation n’est autre que les naissances et les morts, le passer et le venir.

Et puis, le 12 avril, il y a eu le dimanche de Pâques. Pâques signifie le passage, passer. C’est le passage de Jésus de la mort à la vie. Je ressens au plus profond de mon cœur cette nécessité de devoir passer. Passer de l’absence de soi à la présence à soi, de l’égoïsme à l’altruisme. Passer de ici à ici, de maintenant à maintenant.

Rester confiné, rester chez soi, pas bouger ; pour nous pratiquants du Zen, c’est presque un signal, un encouragement à persévérer dans cette voie qui est la nôtre.

Dans notre immobilité imposée de ne pas sortir, de ne pas s’éparpiller, cette période de confinement offre la possibilité inédite de se recueillir.

Blaise Pascal dit : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose qui est de ne savoir demeurer au repos dans une chambre. » Eh bien nous savons comment faire : s’asseoir sur notre coussin noir, rentrer dans notre cellule, et laisser se dissoudre tous nos bagages, tous nos fardeaux, tels des phénix renaissant de nos cendres.

Restons chez nous, faisons la révolution, la révolution intérieure ! Ce temps nous est donné. Mettons un terme à l’absurdité et grandissons en sagesse et en compassion. Participons et coopérons, nous, pratiquants du Zen de Bouddha, à cette œuvre. Ce temps d’arrêt est précieux ; mettons-le à profit pour réfléchir, pour grandir, pour mûrir, pour nous éveiller.

Une occasion extraordinaire s’est imposée à nous. Celle de rentrer chez nous, de nous retrouver au fond de nous-même.

Continuons ensemble zazen.

Gasshô