Par Luc Sojo Bordes, Dojo de Vernon, 2024
Maître Deshimaru disait :
« De nos jours, les hommes vont de shiki en shiki, de phénomènes en phénomènes, mais ne reviennent jamais à ku. Aussi deviennent-ils de plus en plus agités et perturbés ».
Pendant zazen, on va de shiki en ku et de ku en shiki, de pensée en non pensée et de non pensée en pensée. On réalise immédiatement la vraie nature des phénomènes qui surgissent, sans substance fixe et impermanents, y compris ce propre corps-esprit ; c’est la base du bouddhisme, du Dharma, deux des quatre sceaux, avec dukkha et nirvana.
Donc automatiquement si on n’adhère pas aux phénomènes qui surgissent, si on ne s’y identifie pas, il y a désengagement ; non pas négation ou indifférence, mais désengagement.
Comme la conscience hishiryo de zazen imprègne également notre vie quotidienne grâce à une pratique assidue dans le dojo, l’homme ou la femme de la Voie ne devrait pas, à mon sens, être engagé au sens d’adhésion à un dogme ou à une idéologie. Cette non identification aux formes et phénomènes permet, paradoxalement en apparence, d’exercer un engagement, lucide et compassionné dans le monde social.
Donc, est-ce qu’ un bouddhisme peut être engagé ? De plus, qu’est-ce que le « bouddhisme » ? Le Dharma, dans son acception d’enseignement du Bouddha ? Engagé ? Certainement pas. Une institution bouddhiste ? Peut-être, en s’alignant sur les préceptes et les vœux de bodhisattva. L’engagement individuel d’une personne qui suit la Voie ? Certainement, si elle a suffisamment intégré dans sa vie la vision de l’un et du multiple (Sandokai de Sekito) qui va lui permettre l’action et la parole justes, pas lénifiantes, mais lucides et compassionnées, dénuées de dogmatisme et de projections égocentriques.