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Par Thierry Horyu Hoyois
Devant la page blanche, je me suis souvenu que la newsletter a pour principale vocation de maintenir le contact entre les personnes de notre sangha. Vous accepterez donc que cet article soit au départ le résumé d’une démarche personnelle, un partage entre nous.
Souvent, Roland rappelle qu’avec la pratique naît un besoin d’engagement, qu’il soit social, humanitaire, etc. Pour ma part, devant le risque de me disperser tant il y à de choses à faire, j’ai choisi d’approfondir et d’intensifier l’engagement écologique, déjà latent, déjà présent dans des petites démarches au quotidien.
C’est un domaine dans lequel il est urgent d’agir ! Plus grand monde ne le conteste maintenant, nous mettons en péril l’équilibre qui permet notre présence sur terre. La première question a été : mais pourquoi existe-t-il alors une telle inertie ? Pourquoi est-ce si difficile de faire bouger les choses, de changer nos habitudes ? Ce n’est pas une question d’information, ni de méthode. Des solutions existent, nous devons trouver la façon de les mettre en œuvre, puis de faire se propager le mouvement. Notre gyoji peut inclure, être la source de ces pratiques de protection de notre environnement. C’est de cette réflexion qu’est née l’idée d’organiser des ateliers avec la sangha, puis, si l’expérience réussit, de propager l’initiative…
La première étape a été de rassembler de la documentation, quelques ouvrages de référence sur le sujet. Au fil des recherches, je constate que plusieurs mouvements se profilent, certains semblent au point mort, comme l’écologie politique, certains médias ont un ton qui lasse vite : information oui, mais succession de scenarios catastrophes. On se demande quand on nous donnera des conseils d’actions à notre portée.
Dans tout ce battage médiatique, quelques sources d’inspiration se profilent pourtant.
Le mouvement de Transition
« Un outil révolutionnaire et inspirant, entièrement consacré aux solutions pour construire dès maintenant des sociétés écologiques, résilientes, capables de s’adapter aux catastrophes que constituent le pic pétrolier, les changements climatiques, les crises économiques ». C’est en effet une méthode, décrite dans un manuel, qui permet la création d’initiatives citoyennes, qu’il s’agisse d’une rue, d’un quartier, d’une ville. La première initiative a démarré à Totnes en Angleterre, et a très vite servi de modèle. Le mouvement s’est répandu dans les pays anglophones d’abord, mais le retard se résorbe, grâce aux efforts de traduction du matériel pédagogique.
J’ai beaucoup d’espoir pour ce mouvement, mais pourtant je ressens un manque : il se base sur la réaction des citoyens à la situation d’urgence, mais il n’inclut pas la dimension spirituelle de l’être humain. En tenir compte est d’après moi est le seul garant d’un changement à long terme, en profondeur.
La psycho-écologie
Il s’agit d’une branche de la psychologie qui vise à prendre en compte l’environnement, (pour ne pas dire l’utiliser), et la relation de l’homme à la nature dans une perspective psychothérapeutique. Nous vivons mal cette dégradation de notre environnement, c’est une source de mal-être. L’objectif est donc de tenir compte de cette relation dans la thérapie, ou mieux, d’inclure des exercices et des rituels remettant la personne en contact avec son milieu, avec la terre,… Très intéressant pour expliquer pourquoi nous avons tant de mal à faire bouger les choses, mais avec un simple objectif de bien-être. Et donc, constat presque similaire au précédent : si la démarche tient compte de la psychologie de la personne, la profondeur de l’être est un outil, pas la source de la transformation. Ces techniques sont très belles, mais je me dis qu’on a beau honorer la Terre en se sentant « relié », on se demande quand et comment on passe à l’action pratiquement dans notre quotidien, avec des gestes qui soient à la portée de monsieur et madame tout le monde.
L’écologie profonde
Il s’agit d’un mouvement philosophique, une nouvelle direction donnée à la philosophie écologique, qui considère (enfin) l’être humain comme une partie de l’écosystème. Plutôt que d’établir l’homme en point central du système, la nature étant dans ce cas à sa disposition pour subvenir à ses besoins, il met en place un outil de co-développement qui a bien du mal à passer dans notre société égocentrique. Présentée en tant que philosophie, l’écologie profonde a été critiquée par les milieux intellectuels, qui n’avaient pourtant rien de plus constructif à proposer. La mise en place d’ateliers, donc d’une méthodologie inspirée par ce mouvement a fort heureusement permis de passer du cerveau, de l’intellect à l’action, à la mise en place d’un outil créateur de changement.
Les ateliers d’éco-spiritualité de Joanna Macy, une pionnière de l’écologie profonde, sont au final les plus proches de ce qui pourrait se faire avec la sangha. Pratiquante bouddhiste, elle inclut la voie du boddhisattva dans sa démarche, utilise les 12 causes interdépendantes comme source d’analyse des barrières que nous dressons face au changement. En presque 40 ans de pratique, partout autour du monde, relayée par les nombreux animateurs qu’elle a formés, ces ateliers se sont teintés de rituels d’origine différente en fonction des pays dans lesquels ils se sont implantés.
Notre approche
Dans notre cas, il faut bien entendu être vigilants et ne pas glisser vers une pratique qui soit une simple méthode de bien-être, ou une psychothérapie. Pas besoin de rituels compliqués ou ésotériques pour un atelier en sesshin quand il se veut être une suite naturelle à la pratique de zazen, qui nous permet de ressentir notre interdépendance avec tous les êtres, et laisse se développer la sagesse et de l’intuition. Il s’agit de trouver la réponse à cette habituelle question : comment faire pour créer, maintenir une pratique de chaque instant, dans chaque geste de la vie quotidienne, et ce plus spécifiquement en ce qui concerne les gestes écologiques.
Nous pouvons facilement reprendre les trois trésors comme fil conducteur :
- Inspirés par la sagesse et la compassion de Bouddha, donc à partir de notre pratique de zazen
- En étudiant, en pratiquant le Dharma, tant l’enseignement des soutras, que le langage de la nature comme koan, nous observons notre inertie et nous allons au-delà
- Chacun voit ce qu’il peut faire, c’est à dire surtout faire de son mieux, à titre individuel ou avec déjà une action autour de lui. Chacun choisit une action, un engagement, modeste ou grandiose, mais chacun reste dans la mesure de ses capacités, ici, maintenant. La Sangha est là pour une première appréciation de ces engagements, pour travailler ensemble sur les obstacles qui pourraient apparaître, et une fois le camp terminé, pour agir comme un réseau social, nous soutenir mutuellement, et espérons-le, inspirer d’autres à suivre le mouvement.
Au final, l’atelier consiste donc à faire des vœux, des vœux en vert, des éco-vœux, à faire des petits pas de plus (même si on croît être en haut du mât).
Comme pour ceux que nous prononçons lors de l’ordination, il s’agira à la fois d’un engagement et d’un appel au soutien quand nous serons en difficulté, en nous appuyant sur notre pratique et sur la Sangha.
Comment se passera l’atelier pratiquement ?
Vous l’aurez compris, il ne s’agira pas d’un atelier de pratique méditative en contact avec la nature, mais plutôt d’un atelier d’échange et de partage qui aboutira sur des actions concrètes dans la vie sociale.
Les différentes étapes :
- Introduction, présentation des participants ;
- Partage sur le ressenti de l’interdépendance, de la vacuité, de notre pratique comme source à l’action écologique ;
- Exposé des soutras, des enseignements qui peuvent nous soutenir dans notre démarche ;
- Explications sur les différents obstacles, les pièges habituellement rencontrés dans la vie quotidienne ;
- Pour ceux qui le souhaitent, création de plans d’actions individuels et/ou collectifs. Partage d’information sur ces actions, sur les difficultés que nous rencontrerons ;
- Mise en place d’un réseau de contacts pour le suivi après l’atelier des actions projetées.
Nous pouvons prévoir de visionner ensemble un DVD (en anglais sous-titré en français) sur la Transition ou sur le travail de Joanna Macy durant le jour de repos qui précède la sesshin.
Deux premiers ateliers sont organisés pendant les camps d’été, à Maredsous et à La Gendronnière. Si le résultat est positif, l’expérience pourra être reconduite, car nous pouvons mettre en place un « manuel » à l’usage des prochains groupes, et utiliser notre site internet pour faire l’état d’avancement du projet.