Zen et la vie de famille

Par Antonio Arana Soto, atelier au camp d’été à Godinne, juillet 2018

Comment articuler vie de famille, vie de couple et pratique du zen ?

Quelles obstacles et difficultés rencontrons nous ?

Comment les surmonter, les dépasser ?

Quelle place à la compassion ? à l’amour inconditionnel ? à l’interdépendance… ?

Lors du camps d’été de Godinne qui s’est tenu du 14 au 22 juillet 2018, plusieurs ateliers de réflexion ont été organisés. L’un d’eux abordait l’articulation entre le zen et la vie de famille.

Tour d’horizon sur les échanges de cet atelier….

Des expériences partagées…

Comment concilier sa pratique du zen avec son compagnon, sa compagne ?
Le premier jour, les participants ont chacun exprimé leur vécu. La participation à des sesshin sur l’année a été abordée. Par exemple, l’un d’entre nous a évoqué l’organisation d’un calendrier annuel de sesshin. Celui-ci est proposé ou imposé en tout début d’année à son entourage, de manière plus ou moins négociable. Pour d’autres, participer à des sesshin sera plus le fait d’opportunités, de possibilités, … lié à un contexte plus ou moins favorable.

La question de l’éducation des enfants a aussi été abordée. Un pratiquant s’exprimait sur la manière d’éduquer son enfant à travers des principaux fondements du bouddhisme (l’interdépendance notamment) et les paramita (le don, la parole d’amour etc.). La nature des échanges mettait en lumière l’importance d’une éducation fondée sur l’amour, le respect, l’écoute sans pour autant tomber dans une permissivité excessive qui elle déconstruit. Eduquer avec amour mais dans le respect de règles et de limites qui sont garant d’un cadre éducatif structurant.

Nos échanges ont aussi mis en exergue la place de nos parents dans notre pratique. Comment pratiquer lorsqu’il faut par exemple nous occuper de nos parents âgés et malades ? Comment ne pas être tiraillé entre soins apportés à nos proches et désir de participer à une sesshin ? Au-delà de la manière de faire de chacun c’est le discernement qui nous aide à faire la part des choses et à dépasser notamment la culpabilité et le remord qui peuvent affecter le pratiquant.

En synthèse de cette première partie, nous sommes arrivés à la conclusion que chacun fait selon son histoire familiale, sa personnalité, ses conditions et possibilités. Il n’y a pas une bonne réponse, ni une bonne manière de faire. En revanche, il y a une façon d’agir qui soit harmonisée avec le contexte, l’environnement. C’est la voie de l’équilibriste, celle de la recherche du juste milieu entre engagement familial et engagement spirituel.

Au fur et à mesure de nos échanges, la vie familiale nous est apparue comme étant un lieu d’actualisation et d’expérimentation du dharma.

Pour créer cet équilibre, il nous faut être « présent », « voir » ce qu’il se passe autour de nous. Sentir, ressentir et adapter son comportement en conséquence. Mais « voir » c’est aussi regarder ce qu’il se passe en nous. Quelles sont les réactions, les bonno qui se soulèvent lors de nos interactions avec nos proches ? La famille nous offre un miroir et par là même un terrain propice à l’étude de soi. « Bonno Soku Bodai » : les attachements, les passions, les illusions sont semences de l’éveil. Un seul bonno contient en lui à la fois le germe de la souffrance et le germe de l’éveil. La famille nous offre l’opportunité de progresser, d’abandonner nos illusions de développer la compassion.

La compassion, c’est ressentir, compatir avec l’autre, à ses côtés, c’est expérimenter et reconnaître cette « identité partagée » qui nous fait prendre conscience que nous partageons une nature commune, que nous sommes « Un ». La famille nous permet justement d’actualiser cette compréhension intime, cette vision juste.

La vision juste, c’est l’acceptation, c’est voir les choses telles qu’elles sont. Dépasser les contradictions, les catégories, les concepts. Et la vie quotidienne et notamment la famille nous permet de voir nos zones d’ombres, nos attachements, nos difficultés. La vie quotidienne crée aussi les opportunités pour abandonner et dépasser l’ego, nous dépouiller en quelque sorte, et de développer cet esprit vaste. Cet esprit vaste c’est hishiryo, l’esprit au-delà de toute forme de dualisme, qui nous ouvre. C’est l’esprit vaste qui englobe toute chose et nous rend capable d’aimer au-delà de nos frontières intimes. Il développe l’amour porté à tous les êtres sensibles, l’amour inconditionnel. C’est tout le sens de l’ordination où l’on n’abandonne pas sa famille mais on abandonne l’attachement à sa famille. L’amour devient ainsi universel.

Un atelier ponctué d’animations audiovisuelles

Pour illustrer les propos exprimés lors de l’atelier, nous avons visionné ou écouté plusieurs séquences telles qu’un poème d’Antonio Machado « Calixto Sánchez canta Machado » sur l’impermanence et le cheminement intérieur.
Egalement, nous avons regardé un extrait d’un film avec Woody Allen, « Stardust Memories », qui sensibilise à la condition humaine, la souffrance…au-delà du statut des individus, de leurs conditions de vie. C’est aussi cela notre « identité commune », celle de nous confronter à nos peurs, nos attachements.

 En résumé

Cet atelier riche par la qualité des interactions de tous les participants et mené habilement par son animateur a été l’occasion de partager des vécus différents. Quel que soit la diversité des expériences de chacun, c’est bien l’harmonisation avec son environnement et la foi en notre pratique qui constitue le socle d’une articulation réussie entre zen et vie de famille, source d’une vie épanouie.
C’est la voie de l’équilibriste qui sent, ressent, voit ce qu’il se passe en lui et autour de lui et ajuste ainsi sa trajectoire.