Covid - Photo : Eric Tchéou

Rien ne dure

De Claude É Mon Cannizzo – avril 2020

« Rien ne dure, ni les bonnes, ni les mauvaises choses ! »

Un poème de Dogen Zenji pour réfléchir sur la situation actuelle :

Les fleurs au printemps,
Les coucous en été,
La lune en automne,
La neige en hiver, claire et fraîche.

Le contenu de ce poème est pour ainsi dire uniquement construit d’évidences. Pourtant, en le lisant, comprendre le sens profond de son contenu, s’ouvrir à ses évidences telles qu’elles sont exprimées et en reconnaître la profondeur, le faisons-nous vraiment ?…

« Impermanence » … Ce mot qui exprime le principe que rien n’est immuable, est la trame invisible qui le compose. Car de toutes les choses exprimées dans ce poème, pas une seule n’est éternelle.

Chaque fois que le mot « impermanence » résonne à nos oreilles, on peut ressentir un sentiment de mélancolie, de tristesse voir même de solitude. On a tendance à croire que nous en mesurons le sens, que nous le comprenons tel qu’il est sensé l’être. Mais malgré tout, on est inconsciemment ou non torturé par le besoin que nous avons que les choses restent telles qu’elles sont. Qu’elles soient permanentes.

Mais la réalité est que, d’un côté nous n’acceptons pas que les circonstances ou choses auxquelles nous sommes attachées puissent changer ou cesser. (En ce moment par exemple être privé de notre « liberté » limitée par le confinement.) Et de l’autre, nous attendons avec impatience que les choses ou circonstances changent ou cessent en fonction du rejet qu’on leurs porte. (Revenir avec impatience à notre façon de vivre d’avant le confinement.)

Tout comme dans le poème de Dogen, les saisons qui changent, chacune ayant un début un temps d’existence et une fin. La fin n’existe que parce qu’il y a un début. (Je sais, ça ressemble à une « lapalissade ».) Mais pourtant c’est bien de notre existence dont il est question. Nous sommes tellement effrayés par notre fin que nous ne voyons pas qu’elle n’est que le résultat de notre naissance.

Dans la vie, rien n’est jamais pareil très longtemps non plus. Tout revient ou retourne à sa source, comme l’eau qui coule plus ou moins doucement (comme la vie) selon le terrain et poursuit son chemin vers l’océan. Cette image est une invitation à vivre notre vie avec force en gardant toujours à l’esprit l’incontournable réalité de cette impermanence qui la compose.

Venir au monde est une occasion unique pour réaliser la nature de Bouddha (de l’Eveillé.) Ne pas perdre son temps, c’est rendre grâce à la vie. Simplement parce que chaque instant est important et passe aussi vite qu’il a mis pour se présenter …

Les fleurs au printemps,
Les coucous en été,
La lune en automne,
La neige en hiver, claire et fraîche.

Un claquement de doigts, et tout est déjà passé !

Ce que nous pouvons retenir de ce poème, c’est que son auteur aussi rend grâce au temps qui passe. Non par regret, mais par gratitude pour la vie, il lui rend grâce pour toutes les occasions qu’elle nous donne pour nous éveiller. Cette dimension profondément humaine et ordinaire venant de Dogen Zenji est l’expression d’une grande humilité face à la réalité fondamentale de la vie. Et cela aussi est merveilleux.

N.B. Comme dans ces publications je ne m’adresse pas seulement à des lecteurs intimes aves le vocabulaire zen ou Bouddhiste, je précise que, dans le Bouddhisme, « Bouddha » ou « être éveillé » veut dire : voir la vie dans sa réalité la plus profonde, au-delà de la dualité, par-delà de la vision ordinaire de l’ego.

Prenez soin de vous, restons chez nous.