Le crâne dans notre valise

Par Bart Weetjens

Ce que nous pouvons apprendre du zen dans les moments difficiles

Imaginez qu’après un séjour dans un pays lointain, vous vous rendiez à l’aéroport pour prendre l’avion du retour. Vous arrivez, vous entrez et cinq minutes plus tard, on vous arrête, on vous passe les menottes et on vous annonce que vous risquez trente ans de prison.

Ça vous choque ?

Laissez-moi vous dire : je n’ai pas besoin d’imaginer ça, car je l’ai réellement vécu. Laissez-moi vous emmener dans un voyage qui m’a conduit à de profondes prises de conscience sur la façon d’appliquer la pratique du zen dans la vie réelle.

C’était en 2015, le soir du 9 février. Je quittais la Tanzanie, où j’avais vécu et travaillé pendant douze ans, pour retourner dans mon pays d’origine, la Belgique.

La ville de Dar Es Salaam était poussiéreuse, bruyante, chaude et humide comme d’habitude. Lorsque mon chauffeur m’a déposé peu avant la tombée de la nuit, j’ai pris le temps d’admirer le magnifique coucher de soleil aux couleurs éclatantes. Ces couleurs allaient sûrement me manquer en Belgique. Je me suis dirigé vers l’entrée et j’ai passé ma valise au scanner. Elle contenait quelques effets personnels que je ne voulais pas laisser en Tanzanie. Parmi eux, il y avait le crâne, le fameux crâne humain qui décorait mon bureau depuis que j’étais étudiant. Lorsque je l’ai mis dans ma valise, j’ai pensé un instant que j’aurais peut-être à expliquer à la douane l’origine de ce crâne. Mais j’étais trop attaché à cet objet qui me rappelait l’impermanence de la vie pour m’en séparer. Je me suis dit que mon swahili était suffisamment fluide pour expliquer l’origine du crâne, même si elle était mal documentée. De plus, mon visage était familier à l’aéroport de Dar Es Salaam, car je voyageais alors presque chaque semaine sur des vols internationaux. Mon travail humanitaire faisait l’objet d’une large attention publique. Mes bagages n’avaient jamais été contrôlés.

Mais cette fois-ci, ma valise a été ouverte et on ne m’a pas laissé fournir la moindre explication. En un rien de temps, j’ai été arrêté, menotté, mon passeport a été confisqué et j’ai été évacué vers les sous-sols de l’aéroport où j’ai appris que j’étais accusé de possession et de trafic d’ossements humains et que je risquais une peine de trente ans d’emprisonnement.

OMG ! Les prisons en Tanzanie ne sont pas à proprement parler des lieux de bien-être. En un instant, le plaisir procuré par mon dernier coucher de soleil tropical a fait place à mon pire cauchemar.

Cette nuit-là, en détention, j’étais assis sur un morceau de carton posé sur le sol en béton. Je me sentais brisé. J’étais stressé, anxieux, désespéré et rempli de colère. Certes, j’étais innocent, mais le système judiciaire tanzanien allait-il le reconnaître ? La perspective de passer la plus grande partie de ma vie en prison me désespérait.

J’avais l’impression que toutes les émotions négatives possibles et imaginables accaparaient simultanément mes pensées. Le jugement de soi y occupait une grande part.
Comment avais-je pu être aussi insouciant, aussi ignorant ?
Comme je pouvais être stupide !

Toutes sortes de scénarios me traversaient l’esprit. Combien de temps serai-je isolé ?
Quand reverrai-je ma famille ? Avais-je une chance d’échapper à cette situation absurde ?