Je me suis souvenu des profonds enseignements que j’avais reçus juste avant de m’installer en Tanzanie. Le maître m’avait conseillé de suivre trois pratiques fondamentales pour mener une vie harmonieuse en toutes circonstances.
La première pratique est l’immobilité.
Elle consiste essentiellement à arrêter de FAIRE, à arrêter d’agir dans le monde extérieur, à arrêter de parler ou d’entretenir un dialogue intérieur, comme je le faisais alors, et à arrêter de penser, en passant du FAIRE au SENTIR et de la PENSÉE à l’ÊTRE.
ÊTRE dans l’immobilité, c’est s’ouvrir à l’expérience directe de la réalité, sans les filtres de nos conditionnements. Cela signifie prendre conscience de la réalité vivante du moment présent, qui est éternel. Nous sommes toujours ICI dans notre corps, et le moment présent est toujours MAINTENANT. La pratique de l’immobilité est nécessaire pour laisser s’établir la présence, la continuation de la conscience incarnée.
Traditionnellement, l’immobilité se pratique en s’asseyant tranquillement en pleine conscience, mais elle ne se limite pas à la posture assise. Nous pouvons tous pratiquer l’immobilité dans notre vie quotidienne – debout, en marchant, en voyageant dans un véhicule, en faisant la queue au supermarché ou en étant détenu, comme je l’étais. Il suffit de se réfugier intimement et de rester conscient de son corps, tout en adaptant continuellement la posture en fonction des circonstances et des besoins personnels.
Alors que la présence résulte directement de cette première pratique qu’est la pratique de l’immobilité, la seconde pratique, qui est la pratique de la reperception, résulte directement de la syntonisation et de l’attention portée à la respiration.
Qu’est-ce que la REPERCEPTION ?
Par reperception, j’entends la capacité à réévaluer la réalité grâce à la conscience accrue que nous développons dans l’intimité de l’immobilité.
Lorsque nous embrassons l’immobilité, lorsque nous concentrons notre attention sur l’expérience incarnée du moment présent, quelque chose de magique se produit.
Nous remarquons la respiration, nous sentons les battements du cœur, nous prenons conscience des tensions accumulées dans les muscles. Nous avons une meilleure perception de nos processus internes, de l’état de notre corps. Lorsque notre esprit est surexcité, stressé, anxieux ou en colère, nous pouvons utiliser la respiration, en particulier l’expiration, pour nous calmer naturellement et automatiquement. Le simple fait de concentrer notre esprit sur l’expiration complète, jusqu’à ce que le centre de gravité de notre corps retombe dans le hara, met automatiquement fin à l’excitation, tout en nous reconnectant à notre force vitale originelle et en créant de l’espace pour quelque chose de nouveau : une nouvelle inspiration, une nouvelle compréhension, une nouvelle émotion, une nouvelle action. Lorsque nous expirons complètement, il y a non-pensée, et lorsque nous inspirons à nouveau, il y a pensée. (Essayons cela tout de suite : inspirons tous…) En restant consciemment à l’écoute du moment présent grâce à ce processus d’expiration et d’inspiration, nos pensées perturbatrices liées à un avenir incertain ou à un passé regretté s’estompent progressivement, tout en laissant place à un esprit fluide, un esprit qui embrasse la réalité telle qu’elle est. Un esprit ouvert aux possibilités de pensées fraîches, naturelles, harmonieuses, aimantes et bienveillantes.
Les pratiques de l’immobilité et de la reperception peuvent nous conduire à toutes sortes de résultats personnels positifs, comme plus de calme, plus de clarté, d’autodétermination, de confiance, de courage, et ainsi de suite…
Mais sans la troisième pratique, les résultats restent limités à la sphère personnelle, alors que le sens profond naît d’une relation bienveillante avec le monde. Pour devenir véritablement universel et illimité, la troisième pratique est essentielle. Il s’agit de pratiquer sans but personnel, sans viser un quelconque avantage personnel, sans aucune attente. Ne rien poursuivre en particulier, ni rejeter quoi que ce soit. Il suffit d’embrasser la réalité. C’est ainsi que nous pouvons développer un esprit libre, un esprit qui n’est attaché à rien, qui vit pleinement, de tout cœur. Une vie ancrée dans un profond sentiment d’appartenance. Il devient alors naturel, presque automatique, d’embrasser la réalité avec générosité, avec amour et attention. Pour moi, assis sur le carton dans l’obscurité, cela signifiait en premier lieu accepter ma situation compliquée.