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Par Roland Yuno Rech – Godinne, juillet 2022
De nos jours, on entend souvent l’expression « rester zen ». On emploie aussi le mot « zen » dans la publicité pour vanter la qualité de certains produits. Il y a des voitures « zen ». Quand on utilise le mot « zen » dans la vie sociale, cela désigne en général une attitude dans laquelle on reste calme quelles que soient les circonstances. Rester de bonne humeur, équanime, aussi bien dans l’adversité que dans les situations heureuses.
De fait, l’équanimité est une des voies d’éveil. Dans la pratique du zen, elle est le résultat de la recommandation de Maître Sosan lorsqu’il dit au début du Shinjinmei : « Pénétrer la voie n’est pas difficile, mais il ne faut ni avidité, ni haine, ni choix, ni rejet ». Cela veut dire commencer à accepter la réalité d’ici et maintenant telle qu’elle est. Lorsqu’il fait chaud, on a complètement chaud, lorsqu’il fait froid, on a complètement froid. On ne peut rien faire pour que la situation ne soit pas telle qu’elle est. Donc pour rester équanime, il faut commencer par accepter la situation. C’est ainsi !
Ça ne veut pas dire que l’on ne puisse pas essayer de la changer, mettre un chauffage plus efficace lorsqu’il fait froid, par exemple. Mais on ne peut transformer une situation qu’après l’avoir pénétrée profondément. On ne peut transformer nos bonno, nos illusions, qu’après en avoir pénétré profondément la nature. C’est ce qui permet la pratique de zazen, en nous rendant de plus en plus profondément intimes avec nous-même.
Au sujet de l’équanimité, Maître Dogen citait une parole de Maître Sosan. Il disait : « Quoi que je dise, ne l’acceptez pas ». Autrement dit, ne l’acceptez pas sans avoir vérifié par vous-même la validité de ce que je vous enseigne. Autrement dit, ayez confiance dans votre propre expérience.
La pratique de gyoji, c’est-à-dire la répétition régulière de la pratique suivant l’enseignement transmis, c’est ce qui permet de digérer cet enseignement et d’en faire notre propre chair en l’assimilant. Ça fait partie de l’équanimité. Si l’on adhère à un enseignement sans profondément le digérer, on se trouve en dualité avec cet enseignement. Il y a une opposition entre ce que je ressens et ce que l’on me dit que je devrais ressentir. Cela crée de la culpabilité, de la tension intérieure : « Je devrais rester zen dans cette situation, mais je ne le reste pas ». Alors on ne peut pas être équanime.
Pour être véritablement équanime, il convient de devenir non seulement intime avec notre manière habituelle d’être, c’est-à-dire en se connaissant soi-même sur un plan relatif, mais aussi de devenir intime avec notre nature profonde, notre nature de Bouddha. C’est ce qui nous permet de ne pas être perturbés par les vagues qui agitent la surface de notre vie.
Lorsqu’on nage à la surface de l’océan, on est très souvent pris par les vagues. Or il suffit de plonger de quelques mètres sous la surface pour retrouver le calme. Pratiquer zazen nous aide à ne pas rester à la surface des choses, mais à développer une vision profonde qui nous permet de ne plus être perturbés par l’agitation du monde. Cela ne veut pas dire indifférents, mais non perturbés et donc mieux capables de trouver la réponse adaptée à la situation. Autrement dit, développer notre sagesse.