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Par Roland Yuno Rech – Grube Louise, octobre 2022
Lorsque nous pratiquons zazen, nous pratiquons la voie de Bouddha, nous suivons la voie de Bouddha : zazen n’est pas une pratique personnelle. Dans la vie quotidienne, chacun cherche à affirmer sa personnalité, sa différence, son ego. Lorsque nous pratiquons zazen, nous suivons la voie suivie par le Bouddha et tous les patriarches. Ce n’est pas une voie qu’ils ont créée, c’est la voie que Shakyamuni a lui-même redécouverte.
C’est la voie suivie par tous les anciens bouddhas. Et même si elle est très ancienne, lorsque nous la pratiquons et la suivons, elle se réalise en nous, ici et maintenant, dans notre corps, dans notre esprit, au-delà de nos conditionnements, dans le mouvement du lâcher-prise. C’est ce que Maître Dogen avait appelé « shin jin datsu raku. » Ce fut l’essence de son éveil. Jin : le corps, shin : l’esprit, datsu raku : dépouillé, dépouillé de tout ce que nous sépare des autres.
Maître Dogen disait : « Cette voie du Bouddha ne peut pas être atteinte sans pratique. Et si l’on ne l’étudie pas, elle demeure cachée. » Maître Nangaku, lui, disait : « Ce n’est pas qu’il n’y ait pas de pratique ni de réalisation, mais elles ne doivent pas être souillées. »
Ne pas étudier la voie de Bouddha, c’est risquer de tomber dans des voies erronées. Pratiquer la voie de Bouddha, c’est être Bouddha. Nous ne sommes pas deux choses séparées. Pratique et éveil ne sont pas deux choses séparées. Mais la voie n’est pas produite par zazen. Zazen permet de la réveiller et la réaliser. Ce n’est pas étudier quelque chose d’extérieur à nous.
Lorsqu’on étudie des soutras, lorsqu’on étudie le Shobogenzo, il faut se demander, ce que cela nous dit, à nous personnellement. Il faut réaliser qu’il s’agit au fond de l’essence de notre vie. Cela ne peut pas être compris ni réalisé intellectuellement, ou avec des mots. Il ne s’agit pas de comprendre que « je suis comme ceci ou comme cela ». Ce n’est pas une psychothérapie. Tout ce qui nous constitue, notre corps, nos sensations, nos perceptions, nos désirs, nos fabrications mentales et même notre conscience, tout cela est totalement impermanent et sans substance. Cela existe, mais en totale interdépendance avec l’ordre cosmique. Il n’y a pas d’ego séparé.
Beaucoup de gens gaspillent beaucoup de temps et d’énergie pour affirmer leur personnalité, pour obtenir l’objet de leur désir. Et quand ils échouent, ils dépriment. Mais quand ils réussissent, ils ont peur de perdre ce qu’ils ont atteint. C’est pourquoi maître Deshimaru avait appelé La Gendronnière « le château de la non-peur », muijo. Ce qui permet de réaliser cette non-peur est la pratique de mushotoku. C’est la parole que j’ai le plus souvent entendue dans la bouche de Maître Deshimaru : mushotoku. Et quand il critiquait ses disciples, c’était toujours parce qu’ils n’étaient pas mushotoku.
Faire une sesshin, c’est s’entrainer à abandonner réellement l’attachement au corps et à l’esprit. Ce n’est pas une pratique de développement personnel. Au contraire, c’est abandonner tout ce qu’il peut y avoir de personnel en nous et réaliser la dimension universelle de notre existence, ce qui nous permet d’être solidaires avec tous les êtres, de nous sentir reliés à tout ce qui est vivant et de réaliser la vraie vie sans séparation.
Quand on réalise cela, on éprouve une grande joie, comme lorsque l’on retrouve quelque chose que l’on croyait avoir perdu.