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Mondo avec Roland Yuno Rech – Godinne, novembre 2021
Question : Vous avez dit ce matin que le véritable esprit est au-delà des apparences et des dogmes, pourtant on pourrait, vue de l’extérieur, penser que le zen reste attaché aux apparences et aux marques extérieures…
Roland Yuno Rech : Cela peut paraître étrange mais, en réalité on a besoin de formes pour se concentrer dessus, mais cela ne veut pas dire que l’on doit s’attacher à ces formes. Cela commence par la posture elle-même. Pourtant, dans certaines écoles on n’y attache pas d’importance, et on dit d’ailleurs aux gens : « Asseyez-vous confortablement, à votre aise », sans prescrire de posture particulière.
L’inconvénient est que cela rend plus difficile le fait de laisser passer les pensées. Les méditations dans lesquelles on n’insiste pas sur la posture ont tendance à laisser les pratiquants dans leurs ruminations mentales. C’est-à-dire que même s’il s’agit d’une observation – ce qui n’est déjà pas si mal –, ce n’est pas une observation qui permet véritablement de se libérer.
Même si on enseigne que les pensées sont vacuité, n’ont pas de substance, même si on peut le comprendre intellectuellement, mentalement, s’il manque la concentration profonde avec le corps, c’est très difficile de lâcher prise et finalement c’est beaucoup plus difficile de pratiquer la méditation.
En fin de compte, la concentration sur la posture, au lieu d’être un attachement, est ce qui favorise le détachement. Il en va de même – et c’est encore plus intéressant – pour la vie quotidienne : souvent, dans la vie quotidienne, dès qu’on quitte le dojo et qu’on ne se concentre plus sur le corps, on a tendance à être repris par ses préoccupations. On a donc deux vies à la fin : celle du dojo, où l’on réussit plus ou moins à se concentrer et à trouver la paix de l’esprit, et celle où l’on retourne à la vie quotidienne, où l’on est repris par ses pensées, ses préoccupations.
Alors que si l’on enseigne aussi les rituels – évidemment sans exagérer, sans s’y attacher mais simplement en les pratiquant naturellement –, ces rituels facilitent le lien entre la vie quotidienne et la méditation. Dans les cérémonies on doit faire attention aux mouvements et aussi on doit faire attention aux autres, à être en harmonie avec les autres. C’est donc une excellente transition entre le zazen, qui pourrait à la limite être pratiqué seul, et la vie sociale.
Dans la vie sociale on agit très souvent en lien avec les autres et il est bon de réussir à être en empathie avec les autres, pour s’harmoniser. Le fait de faire des cérémonies aide à cela.
D’ailleurs dans toutes les civilisations, l’humanité a inventé les cérémonies et cela correspond certainement à ce besoin de s’harmoniser, de retrouver la paix ensemble. Donc les cérémonies, ce n’est pas un attachement ritualiste, elles ont une fonction beaucoup plus profonde.