La Gendronnière - Photo : Eric Tchéou

Les Six Paramita

Traductions ABZE disponibles (PDF) :  

Extrait d’un atelier avec Roland Yuno Rech, Grube Louise, mai 2007

Les Paramita sont l’expression de la nature de bouddha ainsi que des moyens concrets pour l’actualiser.

Origine

La Prajna Paramita est un courant du bouddhisme qui a vu le jour entre 100 avant JC et +300 après JC environ. Il avait pour objet de développer le potentiel libérateur du bouddhisme en coupant l’attachement à des dogmes, qui est la forme la plus pernicieuse de l’attachement, car si on est attaché au Dharma (par exemple la vacuité) alors plus rien ne peut nous libérer.

Prajna veut dire « Sagesse », elle est un ensemble d’écrits de 25 000 vers qui a été résumé plusieurs fois en 5 000 vers, en 2 500 vers, en un texte le Soutra du Diamant, puis l’Hannya Shingyo, puis en une seule phrase qui résume tout.

La Prajna Paramita avait été prêchée par le Bouddha mais ces soutras avaient disparu, et plus personne ne voulait les suivre. Selon la légende ces soutras avaient été conservés au fond de la mer par les Nagas (serpents) et c’est Nagarjuna qui les a repêchés. Ces écrits étaient l’œuvre des moines sur plusieurs siècles. Une autre légende dit que ces moines les écrivaient sous l’effet de « l’inspiration ». Ces écrits représentent un courant de type « protestant » au sein du bouddhisme, pour retourner à la pureté de la Voie originelle.

Il existe dix paramita : les six paramita qui sont

  1. Le don
  2. Les préceptes
  3. La patience
  4. L’effort
  5. La concentration
  6. La sagesse

et les quatre illimités que l’on trouve dans le soutra de l’étoffe, pratique de la compassion illimitée, de la bienveillance illimitée, de l’équanimité illimitée, de la joie illimitée. Ce qui veut dire d’être vis-à-vis des personnes que l’on aime ou de celles qui nous sont indifférentes, hostiles, au-delà du choix. Ce qui est différent des upaya qui supposent une intention.


Le don

Il est toujours la première paramita. La raison en a été donnée par Maître Hyakujõ à qui on avait posé la question suivante : « Par quel moyen entrer dans l’école du zen ? » Hyakujô avait répondu : « Par la pratique de la paramita du don. »

Pourquoi le don parmi les six paramita ?
Les gens qui posent cette question n’ont pas compris que toutes les paramita proviennent du don car le don signifie lâcher prise, se dépouiller de tout, y compris de la dualité » (l’attachement aux opposés : vide et phénomènes, satori et illusion, nirvana et samsara…)

Le don est l’actualisation de notre libération par rapport à nos possessions et conceptions.
Dõgen commence lui aussi par le don dans l’exposé des quatre pratiques du Bodhisattva (Bodaïsatta Shishobo) qui sont : le don, les paroles d’amour, rendre service et ne pas se séparer des autres. Ces quatre pratiques sont en fait quatre aspects de la pratique du don.

Donner signifie abandonner l’avidité, ne pas rechercher de faveur. Ce qui compte est l’état d’esprit du don, et non ce que l’on donne et à qui on le donne ; c’est-à-dire que malgré ses grands mérites, le don ne doit pas être pratiqué pour ceux-là. L’expérience du don permet d’en finir avec l’esprit d’avidité, de contacter la joie et de changer l’état d’esprit des gens. De plus, le bodhisattva transfère immédiatement les mérites du don pour aider tous les êtres, car il ne pratique pas pour lui-même.

La pratique de zazen est la pratique fondamentale du don, se donner soi-même corps et esprit à la pratique de la Voie pour que cette pratique fonctionne (par exemple dans les dojos), c’est comme se donner à Dieu. Il y a un effet invisible de shin jin datsu raku qu’on appelle « Kanno Doko » : la résonance entre les personnes qui pratiquent et le rayonnement de la pratique. Dans le Jijuyu Zanmaï du Bendowa, on parle aussi de « ni choix ni rejet, ni pour donner, ni pour mendier ».

Dans le soutra de l’étoffe, on trouve l’enseignement des illimités qui sont la pratique de la compassion illimitée, de la bienveillance illimitée, de l’équanimité illimitée, de la joie illimitée. Ce qui veut dire d’être vis-à-vis des personnes que l’on aime ou de celles qui nous sont indifférentes, hostiles, au-delà du choix. Ce qui est différent des upaya qui supposent une intention.

Que peut-on donner ? La plupart du temps des dons matériels et d’argent, des actes humanitaires et de solidarité, des dons individuels.

Si un dojo reçoit des dons, cela ayant été fait en échange du Dharma, ce qui a été donné doit préférablement servir à la pratique ou à la propagation du Dharma, ce qui a alors un effet multiplicateur sur tous les pratiquants qui feront leurs dons à leur tour.

Donner c’est aussi s’abstenir de prendre ou d’endommager (démarche écologique, prise de conscience de notre interdépendance avec l’environnement, se poser la question « comme pratique du don, que puis-je laisser tomber aujourd’hui? »).

C’est également donner du temps. Il n’y a pas d’aspect de sacrifice ou d’ascèse comme dans la pratique chrétienne puisque le don est un acte de libération : « Au moment de sa réalisation, la Voie est laissée à la Voie ». 

Le lien avec l’octuple sentier :

Octuple sentier Paramita
Compréhension juste
Pensée juste
 Sagesse
Parole juste
Action juste
Moyen d’existence juste
Préceptes
Effort juste
Attention juste
Effort
Patience
Méditation justeConcentration

Note : la pensée juste signifie la pensée d’amour et de compréhension, qui exprime la sagesse, la compréhension juste.

La différence principale est que l’Octuple sentier est la Voie de l’Arhat, qui désire se perfectionner pour atteindre l’éveil pour lui-même.
La Voie du Bodhisattva existait dans le bouddhisme ancien mais était considérée comme très difficile et en quelque sorte paradoxale par rapport à l’urgence que les Arhat ressentaient de sortir du Samsara. C’est donc l’esprit qui différencie ces deux voies.

Les préceptes

Il est difficile de parler des préceptes, mais il n’y a pas de pratique du zen sans une stricte moralité.

Comment ces préceptes doivent-ils être pratiqués ? Quelle est cette « stricte moralité » ?

Le seul respect de la morale ne suffit pas pour réaliser l’éveil, mais si on respecte les préceptes, c’est aussi la réalisation car on ne peut les respecter sans abandonner l’ego. Le respect des préceptes crée les conditions favorables à une pratique profonde de zazen car au fond de nous, on sait ce qui est juste de ce qui ne l’est pas, et le non respect des préceptes crée une tempête à l’intérieur de nous. Même les préceptes apparemment les moins forts comme ne pas critiquer (ne pas parler des fautes des autres car l’ambiance de critique gâche l’esprit et dérange le zazen dans une sesshin), ou ne pas se vanter.
Mais, s’attacher de manière trop rigide aux préceptes est aussi un obstacle car cela crée de l’orgueil.

« Comment va-t-on au-delà ? » En se distanciant, sans se dépêcher de parler ou de formuler, mais regarder son esprit et se demander, dans quel esprit est-ce que je vais parler ? Quel est cet esprit qui a envie de critiquer ? Pourquoi ? C’est l’enseignement du zazen, de développer la patience, la capacité d’arrêter le cycle de l’action.

Les préceptes ne sont pas des « Commandements » mais des recommandations pour aller vers l’éveil.

La loi de causalité (la loi du karma) est quelque chose d’automatique, c’est l’ordre cosmique. On constate que les gens qui font le bien progressent, ceux qui font le mal régressent, cela se passe comme cela et chacun doit prendre ses responsabilités.
La transgression permet de mieux comprendre en observant sa vie car, quand on a transgressé un précepte en voir les effets est la meilleure manière d’être convaincu.

Que veut dire, ne pas s’attacher aux préceptes ? Plutôt se demander pourquoi ne pas les suivre, car cette question mal comprise peut donner de mauvaises raisons pour ne pas les mettre en pratique. Mais aussi ne pas trop s’attacher car cela peut induire une rigidité mentale ou un orgueil spirituel, une culpabilisation des autres comme de soi-même.

On peut aussi faire l’exercice de les formuler de manière positive :

Ne pas tuer: protéger la vie, écologie, ne pas tuer la nature de bouddha qui est en nous.
Ne pas voler: partager, donner
Ne pas mentir: être authentique, la vérité intérieure
Ne pas s’intoxiquer: être lucide, rechercher la vérité, ne pas vendre le vin de l’illusion,
Etc.

Le respect des préceptes est un acte d’amour et de compassion car on a tous à voir avec notre relation aux autres, c’est l’expression de la compassion. On peut aussi voir que chaque précepte contient les autres, par exemple pour ne pas s’intoxiquer l’esprit on doit réaliser les autres préceptes. On peut les retrouver chez Dõgen, chez Hyakujo ou même dans le soutra du Filet de Brahma (enseignement de Bouddha Shakyamuni).

Traditionnellement, les 10 préceptes sont pris après s’être repenti et avoir formulé le vœu de suivre les Trois Trésors, puis les Trois Préceptes Purs (ne pas faire le mal, faire le bien, faire le bien pour les autres). Les 10 préceptes en sont un développement très clairement explicité dans le Kyojukaimon de Maître Keizan

Dans le soutra du Filet de Brahma il y a 48 préceptes pour les laïcs, 252 pour les moines (règles de vie). Les règles de vie ne sont pas tout à fait équivalentes aux préceptes.

Dans une sangha bouddhiste, on pratique traditionnellement une cérémonie de repentir tous les 15 jours car commettre une erreur c’est s’obscurcir l’esprit, devenir opaque à la nature de bouddha et le repentir en adoucit les conséquences, les prosternations aussi.

Toutes les paramita, et en particulier les préceptes, sont des guides de pratique à suivre jusqu’à ce qu’ils deviennent inutiles, jusqu’à ce que ce ne soit plus possible de commettre le mal : « cela devient naturel, aucun mal ne peut plus être commis quand on a réalisé l’éveil et la nature de Bouddha » : Shoakumakusa (Ananda).

Dans le bouddhisme Mahayana, on oscille toujours entre les deux aspects absolu et relatif, « personne ne tue, personne n’est tué ». Mais si le non ego est véritablement réalisé, ce qui signifie couper la racine du mal, il n’est plus possible de tuer, tous les préceptes sont automatiquement réalisés et deviennent inutiles.

Donc les préceptes nous permettent d’anticiper une vie éveillée, on vit comme si on avait réalisé l’éveil. C’est pourquoi pratiquer les préceptes n’est pas une contrainte et rend joyeux. Et même s’il n’y avait pas d’autre vie, on vit dès maintenant une vie heureuse : « le royaume des cieux est ici même » !

Quel est le critère qui fonde les préceptes ? C’est ne pas faire aux autres ce qu’on ne voudrait pas qu’ils nous fassent. C’est l’éthique occidentale, Kant disait : « agis de telle sorte que tu puisses considérer la loi qui dirige ton action comme une loi universelle » (ne pas faire d’exception pour soi-même).

Le moyen est l’empathie, se mettre à la place de l’autre, se projeter dans l’autre. L’empathie est un des fondements de l’esprit social, c’est un des fondements de la société, pour pouvoir travailler ensemble on doit coordonner ses actions. Normalement, et de manière inconsciente, zazen développe l’empathie car il permet de laisser tomber l’attachement excessif à l’ego, et si ce n’est pas le cas alors il faut vraiment s’interroger si notre pratique est correcte. On peut ainsi tester notre capacité d’empathie.

Les préceptes ne sont pas des règles de vie de monastère, qui sont des règles relatives dépendant du lieu et de l’époque alors que les préceptes sont universels et éternels. Les règles de vie sont édictées collectivement au sein d’une communauté et peuvent être interprétées, alors que c’est par soi-même qu’on suit et qu’on intègre les préceptes.

Nagarjuna dans ses commentaires de la Prajna Paramita, dit que le bodhisattva se fonde sur la non existence de la faute ou de son contraire. Pourquoi ? Parce que dans la dimension absolue le bien et le mal, notions relatives, n’existent pas. Mais ce qui en résulte, et que Nagarjuna souligne, est important par rapport à la dimension moralisante et à l’attachement aux préceptes. Par exemple, détester la transgression rend orgueilleux par rapport à soi-même et méprisant par rapport aux autres, donc on ne peut véritablement respecter les préceptes qu’en n’y étant pas excessivement attaché.

Dõgen également souligne que les règles ou préceptes ne sont pas destinés à contrôler mais à exprimer de manière ritualisée la nature de bouddha (voir les règles de Eihei ji). La vie de bodhisattva actualise dans chaque geste la nature de bouddha. Par exemple les rites de purification (douche, rasage, repentir) sont fondés sur la pureté originelle et le rite est lui-même l’expression de la réalisation.

Dans le rythme de vie d’un temple zen il y a 4 jours de pratique puis un jour de repos (hosan) où on se douche, on se rase les cheveux mutuellement, on fait sa lessive. Dans la vie familiale aussi on se donne des règles et même si on vit seul (ainsi on fait les choses sans être obligé de choisir tout le temps). Au fond cela est dû au fait que l’esprit, n’ayant pas de forme fixe, suit les circonstances ; d’où l’intérêt de créer de « bonnes » circonstances.

La patience

La première forme de patience c’est patienter par rapport aux autres, à ce qui nous dérange et met en question notre propre égoïsme, nos désirs.

La seconde forme de patience c’est patienter par rapport à ses propres bonno.

La troisième forme, c’est avoir la patience d’étudier tous les Dharma.

La quatrième forme c’est la patience par rapport à la réalisation de ses vœux de bodhisattva qui sont infinis, patience et confiance.

On peut dire que les quatre vœux du bodhisattva expriment sa patience. A la limite on pourrait dire que l’Arhat est un impatient.

Première forme c’est dans le cas où on a un problème particulier à résoudre, c’est bien d’en faire un koan.

Deuxième forme c’est patienter par rapport à ses propres bonno. Le bodhisattva ne supprime pas ses bonno, mais il ne les suit pas, il n’en dépend pas. La souffrance qu’ils impliquent  l’aide à partager la vie de souffrance des autres. Comme il ne suit pas ses bonno il doit avoir de la patience car comprendre réellement la vacuité, c’est trancher ses bonno ou du moins ne plus en dépendre. Les pulsions s’enracinent dans le biologique on ne peut donc les annuler. Mais on peut les laisser passer, comme on laisse tout passer en zazen.

Troisième forme c’est la patience par rapport au Dharma. L’enseignement de la vacuité va à rebrousse poil par rapport à tout ce qu’on aimerait ! A rebrousse poil de tous les désirs humains !
Mais faut-il toujours être patient ? Le Bouddha était totalement impatient par rapport à la souffrance humaine et à la mort : « pas un instant à perdre, il faut résoudre ce problème de la souffrance ». Il a totalement refusé la réalité, motivé par un feu sacré car toute réalité n’est pas acceptable, par exemple certaines réalités politiques.
Le mot « réalité » dans le contexte ci-dessus, signifie l’impermanence et l’incapacité de saisir (voir l’Hannya Shingyo).

L’effort

L’effort, c’est l’énergie que l’on met pour pratiquer et faire en sorte que les obstacles à la pratique disparaissent et que de nouveaux obstacles n’apparaissent pas ; cultiver un état d’esprit favorable à la pratique, par exemple mettre tout son énergie dans la posture. Cette énergie est fondamentale, sans elle le zazen n’est pas une véritable pratique car on peut rester dans la dualité créée par ses pensées, et l’énergie donnée permet de passer à une pratique non dualiste. C’est paradoxal, car si l’effort est orienté vers un but cela devient dualiste. Mais attention de ne pas faire le procès de l’esprit dualiste qui nous a permis de discerner la souffrance et de créer l’esprit d’éveil, bodaishin.

Donner son énergie en oubliant tout le reste, la concentration devient forte et cela devient comme un feu qui brûle toutes les impuretés et toutes les illusions. C’est l’énergie cosmique fondamentale qui se déploie et qui relaie notre énergie.

Toutes les paramita nous entraînent dans la direction de la libération.

Les différents aspects de l’effort sont :
* pratiquer sans perdre de temps, « comme si on devait éteindre un feu qui brûlerait sur notre tête » 
* ne pas se disperser 
* ne pas suivre ses bonno, les laisser passer ; un peu d’énergie pour ne pas les suivre permet d’en économiser beaucoup 
* pratiquer jusqu’au bout c’est l’esprit zanshin. Cet effort demande beaucoup d’énergie mais le bodhisattva est réceptif aussi à l’énergie cosmique et ne s’épuise pas.

L’effort pour une pratique régulière. Cet effort initial et régulier se fait tout seul comme quand on allume un feu. Cette énergie nécessaire peut laisser place au doute ou à une baisse d’énergie, alors il faut trouver l’effort juste, c’est-à-dire chaque jour faire ce qui est praticable, ce que l’on peut réellement faire.

Dõgen dans « Vie et mort » disait : « lorsque l’on se donne complètement à la pratique avec shin jin datsu raku, c’est comme si on pénétrait dans la maison de Bouddha et c’est Bouddha qui nous tire, qui nous prend par la main, sans effort on va au-delà de la vie et de la mort ». C’est ce qui a permis aux moines de continuer très longtemps leur pratique car ce n’était plus eux mêmes qui pratiquaient.

De même, par rapport aux vœux du bodhisattva l’enseignement du soutra du Diamant qui dit  « il n’y a aucun être à sauver et personne ne peut sauver personne » rend notre esprit plus léger car c’est leur nature de Bouddha qui peut sauver les êtres. Le rôle du bodhisattva est d’amener les êtres en contact avec cette nature de bouddha de manière à ce qu’elle les aide.

Dans le Shobogenzo Shimei on trouve l’histoire des quatre chevaux, celui qui démarre en voyant l’ombre du fouet, celui qui démarre quand le fouet lui touche la peau, celui qui ne démarre que quand le fouet pénètre sa chair et celui qui ne démarre que quand le fouet lui pénètre l’os.
Heureusement, il y a zazen qui nous entraîne dans la direction de l’éveil. Le fouet, c’est l’image de l’impermanence, et si on a foi dans la pratique de zazen celle-ci nous fait elle-même avancer.

L’énergie constamment concentrée est la clé de la réussite, même dans le monde ordinaire. L’être éveillé n’a plus besoin de faire d’efforts.

La concentration (zazen)

Se reporter aux nombreux enseignements relatifs à zazen lui-même.

La sagesse

Le point de départ est l’intuition de la réalité, qui nous incite à approfondir, à développer notre sagesse. La sagesse et l’illusion sont deux versants de la même réalité car si il y a esprit d’éveil, effort vers la sagesse, c’est parce que notre nature de bouddha « pousse » en nous pour se manifester. Le bodhisattva stimule l’esprit d’éveil de chacun qui est la manifestation de la nature de bouddha.

Il y a deux niveaux de sagesse :
* La compréhension ordinaire qui est le discernement qui fonctionne dans la dualité et qu’on utilise pour éclairer nos erreurs, nos illusions. Par exemple, quand Bouddha recommande à son fils Rahula de discerner les effets de son action avant d’agir. Les quatre Nobles Vérités sont le produit de cette sagesse de discernement.

* Prajna est la sagesse intuitive et radicale qui perçoit la vacuité des phénomènes comme une évidence, qui la perçoit directement pour tout ce qui existe. (cf . Hannya Shingyo : Sho ken go on kai ku .Voir aussi, les 64 Dharma (Abidharma) ou les réalités ultimes des soutras.) On pourrait penser par exemple, que le Nirvana serait un Dharma qui échapperait à la loi de causalité et à la vacuité. Mais ce n’est pas le cas, car l’éveil implique de laisser tomber même le Nirvana. La vacuité est la totale interdépendance de tous les phénomènes et le Nirvana n’existe donc qu’en fonction du Samsara et réciproquement. La Prajna Paramita est l’intuition de la vacuité de tous les contraires.

Immo, l’ainsité, désigne les choses telles qu’elles sont c’est à dire non enfermées dans nos conceptions mentales. Cela implique qu’il existe un réel indépendant de notre pensée, mais on ne peut rien en dire, par définition. (Se référer au premier soutra des Moyens Discours (Majjhima Nikaya)  qui est le soutra de la « cause originelle » dans lequel le Bouddha analyse la manière de percevoir des différentes personnes jusqu’à l’Arhat.)

La Prajna Paramita est une pratique seulement si elle est vraiment pratiquée car rester juste au niveau d’une conception n’est pas une paramita. Cela signifie que dans sa vie quotidienne, on ne doit jamais oublier que toutes choses sont sans substance, et pratiquer ainsi le lâcher prise.
(Se référer au Genjokoan commenté par Maître Deshimaru, ou bien à Gensha : « ce corps est vacuité, d’où vient cette douleur ? Qui a mal ? »)