Les dix mérites de la méditation zen

Je vais vous les lire et les commenter un par un :

  1. Les cinq organes de la perception reviennent à leur condition originelle de calme spirituel
  2. L’esprit se purifie
  3. Les illusions se dissipent
  4. L’esprit d’attachement s’affaiblit
  5. Les influences perdent de leur puissance
  6. La peur s’évanouit
  7. L’esprit de compassion mûrit et s’épanouit
  8. La vertu de patience augmente
  9. La sagesse se manifeste
  10. La foi s’approfondit et l’esprit religieux se révèle.

Voilà les 10 mérites de zazen et c’est de ce dont on va parler maintenant, en se rappelant toujours que le principe fondamental est qu’ils se réalisent d’autant mieux qu’on pratique sans aucune avidité matérielle ou spirituelle.

1.     Les cinq organes de la perception reviennent à leur condition originelle de calme spirituel

Les organes de la perception, vous le savez, sont l’œil, le nez, les oreilles, la langue et la peau. En ce qui concerne l’œil, on dit qu’en zazen le regard est tourné vers l’intérieur, vers soi-même. C’est aussi la raison pour laquelle on est assis face à un mur. Il y avait une personne à Nice qui méditait sur la plage, face à la mer. D’autres aiment méditer sur une colline ou sur une montagne, face à un beau paysage. Ça, c’est vraiment une erreur. Bien entendu, on peut le faire, mais c’est plutôt une forme de contemplation esthétique de la nature. La véritable méditation évidemment, c’est tourner son regard vers l’intérieur. C’est-à-dire que l’attention, la conscience sont tournées vers soi-même. C’est la raison pour laquelle la vision devient vaste, parce qu’on ne se polarise pas sur un objet de désir ou un objet de pensée en particulier.

En ce qui concerne l’odorat dans un dojo, il faut veiller à ne pas arriver en étant parfumé. Il faut que l’atmosphère soit totalement neutre. Ce qui unifie l’ambiance olfactive, c’est le fait que l’on fasse brûler de l’encens sur l’autel. L’encens a justement la vertu de toucher profondément le cerveau profond, le rhinencéphale, et a des vertus apaisantes, à condition bien sûr de ne pas en abuser. Si on brûle trop d’encens, on vit dans un nuage de fumée et cela devient dangereux.

Pour ce qui est des oreilles, on pratique en silence. Cependant, il y a quand même un enseignement oral. Cet enseignement oral prend 10 minutes sur une heure de zazen. Il est toujours là pour rappeler les principes essentiels de la pratique, pour guider la pratique. On l’écoute, mais on ne cherche pas à saisir quelque chose. On se laisse traverser par la parole, par l’enseignement. Il a pour effet de nous ramener ici et maintenant à la bonne posture, à la bonne respiration, de façon à avoir une bonne pratique de zazen.

Par ailleurs, toujours en ce qui concerne les oreilles, on doit chanter aussi avec ses oreilles. Après zazen, on chante un sutra. Ce que j’appelle « chanter avec ses oreilles » veut dire qu’en même temps que l’on chante, on écoute les voix des autres pratiquants et on s’harmonise, de façon à être dans le même rythme, à être au diapason, même si on a des voix différentes les uns et les autres. Finalement, le chant nous aidera à nous harmoniser, à condition de chanter pas seulement avec la bouche, mais aussi avec les oreilles.

Pour ce qui est de la bouche, de l’organe du goût, des saveurs, on attache dans le Zen beaucoup d’importance à la cuisine. Mais la cuisine ne doit pas être épicée, ne doit pas être trop relevée, elle doit avoir un goût discret. Les plats doivent être relativement discrets, relativement neutres, et en même temps, ils doivent inclure ce qu’on appelle les cinq saveurs. C’est tout l’art du tenzo d’arriver à inclure les cinq saveurs dans un repas sans qu’il en ait une qui prédomine plus que d’autres ; et donc les saveurs doivent être discrètes. Une cuisine trop épicée dérangerait la pratique de zazen, parce qu’on serait trop stimulé par les épices.

Ensuite le corps, le toucher. A propos du corps et du toucher, il m’est venu de rappeler quelques phrases du sutra du cœur, l’Hannya Shingyo, dans lequel il est dit : « dans ku, dans la vacuité, il n’y a ni forme, ni sensations, ni perceptions, ni formations mentales, ni conscience, ni œil, ni oreille, ni nez, ni langue, ni conscience ». Quand on lit cette traduction sans commentaires, on se dit : « c’est absurde ». En réalité, cela veut simplement dire qu’il n’y a pas d’attachement aux objets des sens, ni au corps, ni à la conscience, ni même à l’éveil. Quand on dit « il n’y a pas », cela veut dire : « il n’y a pas objet d’attachement ». On parlera de l’attachement après, parce que c’est un point très important.