Entretien avec Marie, 49 ans
Pourquoi as-tu commencé à pratiquer zazen ?
Je pratique depuis plus de vingt ans. A l’époque, je ne connaissais pas grand-chose au zen ou au bouddhisme et je ne ressentais pas le besoin de méditer. J’avais un ami qui pratiquait les arts martiaux. Lorsque la pratique de zazen a été introduite dans son dojo, il s’y est mis aussi. Un jour, je lui ai demandé : « Qu’est-ce que vous faites en zazen ? » Il m’a répondu : « En fait, rien. Nous sommes assis sur un coussin, nous regardons le mur et nous ne bougeons pas ». Pour moi, cette réponse était complètement absurde. Pourquoi s’asseoir volontairement deux fois quarante minutes sur un coussin, sans bouger, devant un mur ? Cela ne correspondait pas du tout à la vision du monde que j’avais à l’époque.
Mais mon ami a continué cette pratique, sans pouvoir m’expliquer pourquoi. Cela a éveillé ma curiosité et je suis allée au dojo pour une initiation. Je trouvais particulièrement passionnants les histoires zen, les koan, des proverbes paradoxaux que la raison ne pouvait pas expliquer. De plus, le zen était à la mode à l’époque. C’est pourquoi je continuais à aller de temps en temps au dojo pour faire zazen.
Plus tard, ma vie est devenue agitée. En raison de différentes circonstances, j’étais stressée et insatisfaite. C’est alors que j’ai constaté que je pouvais trouver le calme au moins pendant zazen. Quand j’étais assise sur le coussin, toute l’agitation de la vie quotidienne se dissipait peu à peu et j’ai pu, d’une certaine manière, respirer à nouveau et me reposer. Après cette expérience, j’ai commencé à pratiquer zazen régulièrement.
En quoi zazen a-t-il changé ta vie ?
Zazen est en quelque sorte devenu le fondement de ma vie. Je me sens moins « séparée » et plus reliée à tout ce qui m’entoure. Ma vision du monde, de ma vie, a changé. À un moment donné par exemple, j’ai réalisé que je souffrais beaucoup du fait que les choses changent. J’avais du mal à accepter les changements et j’essayais de maintenir une stabilité dans ma vie et de protéger mes biens. C’était comme essayer de construire un barrage sur une rivière, un barrage qui pourtant ne pouvait résister à l’eau qui s’écoule.
Donc, au lieu de toujours « travailler contre » quelque chose, j’essaie d’apprendre à nager avec le courant. Les relations peuvent se briser, l’entreprise dans laquelle on travaille peut faire faillite ou on peut tomber malade. Rien n’est plus normal que le changement, mais on s’y oppose.
Aujourd’hui, quand je vois des gens autour de moi qui souffrent parce qu’ils ne peuvent pas accepter le changement, j’essaie de leur « apprendre à nager », c’est-à-dire de les aider à accepter le changement et à avoir le courage de réorienter leur vie.
Grâce à zazen, ma vie est aussi devenue plus paisible. Comme je ne me donne plus autant d’importance, je ressens moins le besoin de me défendre ou de me justifier. Cette sérénité fait du bien à tout mon entourage. En fait, je souhaite à tous les gens de trouver l’occasion de pratiquer zazen et de faire eux-mêmes cette expérience de paix intérieure.
Tu as commencé à faire zazen parce que tu étais curieuse. Cette curiosité est-elle satisfaite ?
Aujourd’hui, je ne fais plus zazen dans l’attente de quelque chose de spécial. Je suis simplement assise. Cependant, les expériences que je fais pendant zazen continuent de me surprendre. Zazen n’est jamais pareil. Même quand on est assis en silence, on est toujours en mouvement. C’est comme si on était constamment en route. J’ai appris beaucoup de choses sur moi-même, sur le monde, sur la façon dont tout est relié, mais je pense qu’il y a encore énormément de choses à découvrir avec la pratique de zazen.