Entretien avec Carla, 36 ans
Qu’est-ce qui t’a amené à faire zazen ?
Je pratique depuis une dizaine d’années. 2013 a été pour moi une année de changement : fin de mes études, fin de la relation. Après mes études, je suis partie en Amérique du Sud avec un sentiment de perte de repères et de recherche. J’ai d’abord été au Pérou où j’ai travaillé dans un foyer. Mais comme cette absence de repères persistait, j’ai voulu essayer quelque chose et méditer. A un moment donné, j’ai découvert zazen et j’ai trouvé un groupe en Bolivie, de l’autre côté des Andes. Là-bas, j’ai trouvé une chambre et j’ai fait zazen avec le groupe, ce qui m’a libéré de ce sentiment d’être en fuite. La communauté, la sangha, m’a très vite intégrée.
Au début, la pratique était très dure. Les sesshins commençaient à 4 heures du matin, et à un moment donné, j’étais tellement épuisée que je ne faisais que pleurer.
A mon retour en Allemagne, j’étais à nouveau très déchirée et il m’a fallu un certain temps pour trouver ma voie ici.
As-tu toujours l’impression d’être en recherche ?
Rarement, en fait. C’est plus comme un souvenir, mais le sentiment en soi n’est plus présent. Grâce à zazen, j’ai remarqué que ce sentiment ne dépend pas d’un lieu extérieur et qu’on ne peut pas s’en débarrasser en changeant de lieu.
Comment as-tu vécu le fait d’attendre un enfant ?
Ce n’était pas seulement agréable. Bien sûr, j’étais heureuse, mais j’avais aussi peur et me demandait si l’enfant allait bien se développer et si j’allais bien vivre cette maternité. D’un autre côté, les choses étaient tout à fait normales et agréables. Certes, on n’est plus aussi libre, mais cela crée un lien fort.
Ma fille a maintenant trois ans et je pense qu’elle profite aussi de ma pratique du zen. Elle aime venir avec nous aux sesshins. Même s’il n’y a pas d’autres enfants, il y a toujours de l’activité. Nous nous renouvelons sans cesse et faisons des efforts. Je suis sûr qu’elle le remarque aussi.
Est-ce que ton partenaire fait aussi zazen ?
Oui, nous essayons tous les deux de faire zazen régulièrement. Nous ne travaillons pas seulement sur nous-mêmes, mais aussi sur notre relation. Il faut prendre du recul et ne pas accorder trop d’importance à tout ce qui se passe. Il m’arrive de me laisser emporter par des situations de stress et de les trouver pesantes : zazen m’aide alors à « revenir sur terre ». Je trouve ça bien.
Quelle est la place du zen dans ta vie aujourd’hui ?
Le zen est intégré dans de nombreux aspects de ma vie. D’une certaine manière, le zen tient le tout ensemble ou est au-dessus de tout. Le zen est le niveau religieux de ma vie. Depuis que je pratique zazen, je ne me suis plus du tout posé la question du sens de la vie. Avant, j’avais toujours des pensées comme : « Qu’est-ce que je fais ici ? Pourquoi suis-je ici » ? Maintenant, ces questions ne me viennent plus à l’esprit et c’est très libérateur.