Accompagnement Fin de VIe - Photo : Eric Tchéou

La fin de vie

Par Nelly Tereszkiewicz, dojo du Castellet (France)

Résumé : Infirmière sage-femme, Nelly évoque son vécu et son expérience d’accompagnement des mourants. La fin de vie est une situation qui génère une angoisse pour le malade et la famille. La mort effraie, elle est difficilement représentable. L’accompagnement permet au mourant d’échapper à la solitude et de vivre avec lui une relation d’échange jusqu’à la mort. « Entendre en profondeur ce qu’il dit, l’accueillir en soi comme lui nous reçoit. La vie est là passant par notre cœur pour aller jusqu’au bout des doigts. » Nelly insiste aussi sur l’importance de l’écoute : « On ne sait pas, on écoute, on écoute tout, on écoute réellement, on écoute en profondeur : ses mots, ses pensées, ses intonations. »; du toucher : « Proposer un geste simple : prendre la main, caresser les bras, le dos. » Elle termine en abordant le point de vue du mourant, et éclaire son partage à la lumière de l’enseignement bouddhiste.

LA FIN DE VIE : est une situation qui génère une angoisse pour la famille et le malade. Cette angoisse concerne l’A-Venir. La mort effraie, elle est difficilement représentable.

Selon les convictions, les croyances, elle peut être imaginée. Mais il n’existe pas de réponse toutes faites pour permettre de décrire ce qui se passe après la mort.

La fin de vie est un état de santé où l’individu présente une affection rare et incurable en phase avancée ou terminale.

Une personne très âgée peut être considérée comme étant en fin de vie.

La fin de vie est un temps singulier qui peut être propice à :

  • Relire son passé –
  • Approfondir et créer des liens
  • Recevoir ou accorder un pardon
  • Repentir

Un moine Bouddhiste a dit :

« La fin de vie est le résultat de la perte plus ou moins rapide de la force vitale. Pourtant cela ne signifie pas obligatoirement la perte de l’intelligence, de la conscience de soi, et des émotions. Si l’on veut que le message religieux d’apaisement soit efficace, il faut l’apporter avec une attitude qui permette son acceptation malgré le vécu dramatique de l’agonie. Un humilié de la souffrance attend un miracle qui le délivrerait de sa douleur physique ou morale. Seul un aidant humble peut le faire. »

L’accompagnement : Permet au mourant d’échapper à la solitude et de vivre avec lui jusqu’à la mort une relation d’échange.

PHILON (philosophe juif a écrit sur les thérapeutes d’Alexandrie il y a 2000 ans)

Favoriser chez le mourant les meilleures conditions pour que le VIVANT agisse en lui. C’est par sa présence et l’intérêt pour l’autre que l’Accompagnant peut contribuer à insuffler cet espoir, cette disponibilité à laisser agir le vivant.

Prendre soin du désir du mourant, ne pas le stimuler mais le laisser émerger et l’accueillir, qu’il s’agisse de « finir quelque chose », de se réconcilier avec quelqu’un, de dire comment il veut mourir.

Avant d’ouvrir la première fois cette porte derrière laquelle se trouve l’inconnu, il faut sortir de ses dualités afin d’être en unité avec la personne à rencontrer.

« Le Bénévole accompagne la vie parce qu’il apprend à devenir unifié » dit Philon. Libre de dualisme, il n’a pas besoin d’être pour ou contre, il cultive l’ouverture.

Etablir la confiance, la sérénité en étant authentique.

En s’abandonnant, le mourant nous attire aussi dans cette confiance et dans ce respect.

La personne en fin de vie a besoin d’être aimée pour se sentir vivante. L’accompagnant donne de son temps, de son amour et de la douceur sans se préoccuper d’un retour.

Tout homme a quelque chose à nous apprendre, tout événement est porteur d’un enseignement.

Le bénévole ne juge pas, ne projette pas ses craintes par le regard. Il sort de ses conditionnements et voir avec les yeux du cœur et non pas avec un regard rétréci, qui juge qui évalue qui apprécie.

Il voit avec un regard qui éclaire, qui accueille. Il est dans la COMPASSION.

Avant d’ouvrir cette porte laisser son statut social et ses préjugés à la porte des échanges. Lâchez soucis et préoccupations. Faire taire son dialogue intérieur.

Entendre en profondeur ce qu’il dit. L’accueillir en soi comme lui nous reçoit .La vie est là passant par notre cœur pour aller jusqu’au bout des doigts.

Respecter ce que dit l’autre. Entendre les richesses qu’il nous communique.

Comprendre ce qu’il comprend, être humble, ne pas maitriser mais servir, ne pas savoir mais écouter.

Ce moment présent est un moment précieux et accepter que la mort en fasse partie semble induire une sérénité.

Tant que nous sommes vivants, nous ne sommes pas morts .Pour nous accompagnants c’est évident, la personne en fin de vie est bien vivante et nous essayons de l’aider à vivre au mieux ce moment présent avec un milieu accueillant.

Accompagner la vie à travers son humilité, ne prétendre rien n’attendre rien.

Le bénévole n’est pas un soignant. Il est là pour accompagner l’autre un bout de chemin, un moment de vie aussi courte qu’elle soit, c’est sa vie.

Photo: Eric Tchéou

L’ECOUTE

Etre neutre, ne pas chercher à imposer quoique ce soit, mais se mettre complètement à son écoute.

Écoutez le souffle, le regard et les paroles de la personne que vous accompagnez.

Etre là pour écouter. Une écoute sans idée préconçue, sans jugement, pour permettre au mourant s’il le peut et s’il le veut exprimer ce qu’il vit, ce qu’il ressent, ce qu’il désire, ce qu’il attend.

Ecoute créative, attentive, sensible, précise, empathique, non judicative.

Ecouter sans angoisse : l’angoisse de l’autre, sa colère sa tristesse, ses peurs.

On ne sait pas, on écoute, on écoute tout. On écoute réellement, On écoute en profondeur : ses mots ,ses pensées ,ses intonations.

Naitre avec l’autre dit Claudel.

Rentrer en résonance avec lui (laisser résonner ce qu’il dit en nous) entendre ses mots mais aussi lui-même, lui permettre de se libérer.

CONTACT

Proposer un geste simple : prendre la main, caresser les bras, le dos. Toucher ce corps, cette main qui raconte une histoire. Être seulement là, attentif à toutes ses demandes plus ou moins exprimées.

L’aider a exprimer ses émotions Respecter sa volonté, ses croyances.

Percevoir l’univers spirituel du mourant et souvent sa souffrance spirituelle (Révolte = pourquoi moi …Culpabilité = je paye mes erreurs.)

Un moine bouddhiste a dit :

« Dans l’accompagnement des mourants, celui qui tient la main de celui qui part lui fait don de sa foi, de sa raison, de son avance dans l’apprentissage de l’Eveil, de sa paix intérieure. En retour, celui qui part et dont la main est tenue fait don de sa souffrance, de ses peurs, de ses peines et il nous présente la vérité de notre propre agonie future. »

PAROLES DOUCES :

— Parlez au mourant directement, à lui ! Surtout ne vous adressez pas aux autres personnes présentes pour lui parler de lui.

— Cherchez son regard. S’il ne peut communiquer verbalement ou gestuellement, regardez-le d’autant plus droit dans les yeux. S’il ne voit pas, et ne communique pas, assurez-vous qu’il « est avec vous » en constatant – toujours par le contact – les changements de rythme de sa respiration, ses tremblements, les vibrations cutanées. Il est enfermé dans ce corps – allez l’y chercher pour la réconforter.

MOURANT :

Est dans l’angoisse d’un avenir : moment de refus ou d’acceptation… Détachement par rapport au passé et accueillir la mort qui vient achever la vie.

Un temps pour dénouer dans l’instant présent les liens qui le retiennent à la vie.

Quatre actes salvateurs qui lui permettront de partir en paix.

La paix de l’esprit est générée chez tout homme quand il se réconcilie avec lui-même et tout ce qui lui est arrivé dans sa propre vie. Cela est facilité par l’aspiration naturelle à une vie meilleure et pour nous pratiquants la concentration dans une méditation.

C’est ainsi qu’il est important :

  1. d’exprimer son pardon (jap. shazai) envers ceux qui ont fait du mal, car le lien de la rancune, de la rancœur, de la haine, est aussi un agrippement à ce monde. Cet attachement est un obstacle à la paix de l’esprit complète qui devrait accompagner l’arrêt des fonctions biologiques.
  2. d’exprimer son repentir (jap. sange) qui permet de purifier son esprit en se rendant conscient des conséquences de ses actes.
  3. Donner libre cours à son aspiration à l’éveil ” (jap. hotsu bodaishin). Il est possible d’accomplir cet acte, même si l’on n’est pas bouddhiste puisqu’il s’agit de l’expression du souhait d’accomplissement de la plus haute forme de vie spirituelle. C’est une question de choix dans la formulation.
  4. Si l’on est prêt à cela, pratiquer le Recueillement (sanzen), à l’exemple du Bouddha Shakyamuni au moment de sa propre mort.

La pratique du Recueillement. En fonction de ses croyances.

Faire se recueillir le malade allongé dans son lit, lui faire réciter silencieusement un mantra, une prière. Lui mettre à portée du regard une image sainte ou une statue du Bouddha pour qu’il puisse y poser les yeux, la toucher des mains et des lèvres.

— Faites-lui faire cela en lui montrant comment vous faites afin qu’il vous imite.

Si le Bouddhisme nous invite à une réflexion sur la mort physique qui nous attend, il nous parle avant tout de la mort spirituelle. Sans la vigilance, nous sommes déjà morts :

« La Vigilance est le sentier qui mène à la Vie Eternelle. L’inattention est le sentier qui mène à la mort. Ceux qui sont vigilants ne meurent pas, ceux qui sont inattentifs sont déjà morts. »

Dhammapada 21

La vigilance, la discipline de l’esprit, le contrôle du mental, le Bouddha l’a rappelé dans de nombreux soutras, c’est la porte de l’éternité.

Notre vie et notre mort se déroulent ici et maintenant, dans un ici et maintenant qui détermine la façon dont nous accueillerons le moment de notre départ de ce monde, c’est cela la leçon inestimable du bouddhisme.

Crédit Photos : Eric Tchéou