Entretien avec Philippe, 55 ans
Pourquoi fais-tu zazen ?
Je fais zazen depuis deux ans. Quand j’ai commencé, je venais de surmonter une maladie grave et j’étais à la recherche de sens. Depuis mon enfance, j’étais plutôt orienté vers le Christianisme, comme beaucoup de gens sous nos latitudes Il y a deux ans, une amie m’a emmené à une sesshin, une retraite de méditation zen, et ce fut pour moi une expérience décisive. Depuis, je pratique régulièrement. Zazen fait partie intégrante de ma vie.
Pourquoi est-ce que c’était le bon moment pour commencer zazen ?
Je dirais que ma maladie a préparé le terrain pour la pratique de zazen. Le fait que cette maladie ait pu prendre une autre tournure m’a donné l’impression de commencer une nouvelle vie, et pour cela, zazen est un bon accompagnement.
Est-ce que la pratique de zazen t’a aidé à accepter ta maladie ?
Oui, absolument. Zazen m’aide à faire face à la perspective d’une éventuelle récidive de la maladie. Zazen m’aide à vivre plus « dans l’ici et maintenant », avec le moins de peurs possibles, malgré la rechute toujours éventuelle.
Est-ce que zazen a aussi une influence dans ta vie sociale, au travail par exemple, ou dans le quotidien avec ta famille ou avec tes amis ?
En plus de la pratique hebdomadaire au dojo, j’essaie de méditer chaque jour chez moi environ 30 minutes. Je remarque désormais une différence, dans ma façon par exemple d’interagir, de vivre avec les gens et de gérer les conflits. Je pense que, grâce à zazen, je vis les relations de façon plus consciente et en les appréciant davantage. Et de plus, j’ai plutôt tendance à être cérébral et à aborder beaucoup de choses avec le mental. Grâce à la pratique de zazen, j’arrive mieux, par exemple, à être plus spontané avec les autres et à plus suivre mon intuition.
Quels autres thèmes de vie sont pour toi touchés par zazen, par exemple quand tu penses à la grande crise de notre époque ?
J’ai une sorte de confiance fondamentale en la vie et cela depuis longtemps. Ceci fait que je peux, la plupart du temps, penser sans peur au futur. Cette confiance était peut-être avant transcendantale, mais elle est aujourd’hui plus ancrée dans le réel par zazen.
La crise actuelle, qui est très présente dans le nord de la France où je vis, c’est l’immigration. J’essaie d’aider dans mon entourage, par exemple en hébergeant ceux qui cherchent un logement, mais, en fait, cette cause était déjà importante pour moi avant de pratiquer zazen.
Attends-tu quelque chose de particulier de ta pratique de zazen ?
J’attends que zazen continue de me porter dans la vie comme cela m’a porté jusqu’ici, comme une sorte de fil rouge qui me montre le chemin.
Jusqu’où ira mon engagement, on verra. J’ai, par exemple, commencé à m’entrainer à faire les points pour la couture d’un rakusu. Un rakusu prendra-t-il forme finalement ? On verra bien.
Enfant et adolescent, j‘étais très impliqué dans une communauté chrétienne, ce qui, je pense, me fait plutôt hésiter aujourd’hui à intégrer un nouveau cadre de pensée. Cela ne veut pas dire que j’ai l’impression d’être « enfermé dans un corset » par zazen. La question de la portée de mon engagement, d’aller jusqu’à une ordination par exemple, reste aujourd’hui ouverte pour moi.