Zen et plaisir

Par Philippe Jôryû Rome du Dojo Sei Wa Zendo de Liège (Belgique)

Est-il indécent d’avoir « bon » dans la posture de zazen ?
Je me suis souvent posé la question.

Un zazen n’est pas l’autre et je m’en veux parfois, au sortir du zendo, de complimenter l’un pour le choix d’un kusen ou l’autre pour le rythme du Sûtra du cœur.

Ou de râler parce que l’un n’a pu s’empêcher de tousser ou l’autre d’écorcher un terme.

Il y a des jours où je sors de la méditation comme d’un bon bain ou d’un jogging revigorant, et des jours où je me dis qu’avancer dans des travaux professionnels ou des tâches domestiques eut été plus profitable que de perdre mon temps assis devant un mur.

Or je sais qu’il n’y a pas de bon ni de mauvais zazen.
D’abord, personne ne « fait » zazen. Zazen n’a besoin de personne pour se déployer entre être et non-être et au-delà, par-delà cette apparente contradiction.

Mais il a besoin d’un support pour s’incarner, pour se manifester.
Un logement provisoire, un sac de tripes, une place de parking d’un mètre carré en quelque sorte, pour faire revivre ce qu’un yogi indien, fuyant les mondanités et les promesses assurées d’un avenir confortable, avait compris il y a 2000 ans au pied d’un arbre.

Et je confesse bien humblement que, oui, par moment, dans cette position transmise par des générations de méditants, j’ai « bon ».

Et ce « bon » provient peut-être d’un bond intégral, d’un saut confiant dans l’assise insensée parce que désintéressée, dans le lâcher tout, le lâcher prise où la conscience n’éprouve même plus l’envie, le besoin de qualifier quoi que ce soit.

Même pas la posture.

Alors, où il y a du zen, il y a du plaisir, mais pas celui que l’on croit.