Souffrance, absence de souffrance et expérience

Par Claude Emon Cannizzo en mars 2020

Bouddha dans les quatre Nobles Vérités, nous enseigne que la source de la peine et de la misère autrement dit dukkha, s’applique à tous les phénomènes sans exception. Selon l’enseignement de Bouddha, la naissance est souffrance, la vie est souffrance et la mort est souffrance. Ce qui sous entend qu’il n’existe aucun endroit dans ce monde qui soit dépourvue de peine. La seule alternative à la douleur, c’est de générer son absence. C’est-à-dire ne plus en produire. Pour commencer nous devons déjà être d’accord avec la première des Quatre nobles Vérités. La vie est souffrance !

Et pour cela, observons bien le monde dans lequel nous vivons, il y a principalement trois choses qui sont source de peine.
Il y a l’adhésion à des croyances, qu’elles soient religieuses, politiques ou tout simplement matérialiste…
Il y a des peines générées par le désir, l’envie, le besoin de satisfaire un manque, sous entendu remplacer une peine par un plaisir…
Et enfin, un des poisons qui est une source immense de souffrance dans ce monde, c’est la colère, la haine, qui est à l’origine des conflits petits ou grand et surtout, des guerres…

L’ensemble de l’humanité est toujours empoisonné par ces trois choses. Nous vivons presque en permanence bousculés par elles, par l’attachement à des courants religieux, politiques, par la course après les plaisirs des sens, ou alors par l’expression quasi quotidienne de la jalousie la colère et la haine. De toute évidence, nous ne pouvons nous libérer de la souffrance que par le fait de ne plus la laissé réapparaitre… Lâcher prise…

La meilleure manière est de couper le courant qui l’alimente. Comme pour éteindre une lumière, la seule façon d’y parvenir est de couper la source d’énergie qui alimente la lumière, ne plus apporter d’électricité à l’ampoule. De la même façon, ne plus apporter « d’énergie » à la peine et à la misère que nous vivons chaque jour. Cette énergie, c’est l’attachement à nos vues, nos croyances et nos convictions, autrement dit, la vision de notre vie au travers du regard étriqué et limité de notre petit ego.

Pour réaliser cela, pas besoin de suivre des rites, prières ou autre dévotions, car pratiquer cela serait encore le fruit d’une croyance. Pas besoin non plus d’exprimer une espèce de béatitude exacerbée d’amour universelle, car ça aussi est lié, d’une façon ou d’une autre, au désir. Evidement pas besoin non plus d’encourager les conflits, qui ne serait lié qu’à la haine, la colère et la jalousie.

L’enseignement du zen, n’est pas un enseignement qui nous encourage à faire quelque chose de particulier, mais au contraire, à cesser de faire. Ou alors, s’il s’agit de faire ; faire ce qui est juste. Pratiquer zazen, nous encourage à cesser de faire tout ce qui nous entretient dans nos croyances, nos illusions, c’est-à-dire dans notre misérable ignorance fondamentale du quotidien. Mais attention de ne pas remplacer les croyances par une soi-disant connaissance où apparente sagesse. Remplacer une croyance par une autre, c’est juste remplacer l’ignorance par de l’ignorance.
Le zen n’est pas adopter un comportement particulier, qui deviendrait à son tour une nouvelle forme d’illusion. Le zen ne nous encourage pas non plus à la fuite, au rejet des phénomènes qui nous déplaisent.

Le Dharma du Bouddha vise à l’abandon des vues erronées, des croyances, des convictions ou opinions personnelles. Le Dharma, si nous le suivons, nous invite pour ainsi dire à une « vue logique, réaliste et simple sur les choses de la vie, ni optimiste, ni pessimiste. » Abandonner la course insatiable aux plaisirs illusoires des sens qui n’on finalement qu’une brève durée d’existence, car comme tous les phénomènes, eux aussi sont impermanents.

Abandonner la course aveugle après nos illusions, est rendu possible par la pratique juste de zazen, apprendre à « maîtrise » les sens. Abandonner l’attitude visant à être dans la saisie ou le rejet. Ceci devient de l’ordre du possible dès lors que nous adoptons les règles de vie que nous suggère le Dharma du Bouddha, réaliser les préceptes, l’octuple sentier, les paramitas… Nous abstenir de commettre des actes nuisibles qui génèrent la souffrance autant par le corps que par la parole. Pour nous et pour les autres.

L’enseignement du zen est basé sur l’abstention de comportements et d’attitudes qui maintiennent l’humanité dans une spirale productrice de misère, de tristesse, de violence et de peine. Nous ne cherchons pas à acquérir un savoir stérile, mais plutôt à arrêter de nous entretenir avec l’illusion de savoir ou du moins, que nous croyons être le savoir, mais qui n’est que conviction et idée personnelle ! Toutes ces personnes qui prétende savoir, que savent ils réellement ? Je sais, je sais, je sais … chantait Jean Gabin ! Mais que savons nous réellement ?

Nous avons hérité le Dharma des anciens, de Bouddha, des Maîtres et Patriarche qui nous l’ont transmit. Il faut que nous fassions l’effort pour faire notre, l’enseignement du Bouddha. C’est ce qui est appelé réaliser le Dharma, et à notre tour l’enraciner en nous par la pratique de zazen, c’est le sens de comprendre ou acquérir comme le dit le troisième Vœu:

Aussi nombreux que soit les Dharma, je fais vœu de les acquérir tous.

Sinon nous ne serons que les locataire d’un savoir qui n’est pas le notre, il ne sera simplement qu’un héritage de croyances et d’idées qui ne nous appartiennent pas et qui ne sont pas enracinées par notre expérience.

Crédit photo : Eric Tchéou