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Témoignage sur l’environnement, en lien direct avec une pratique sincère
Par Thierry Kozan Barnet
La planète ne va pas très bien, c’est un constat. Nous massacrons des animaux à outrance, nous déforestons sans cesse pour laisser la place à du béton ou à de l’agriculture intensive, ne servant que des intérêts financiers et au détriment de la biodiversité, au détriment de la vie.
L’homme est un être qui se construit lorsqu’il est en relation avec ce qui l’entoure. Dans notre civilisation dite « moderne », un enfant est de moins en moins en contact avec un environnement naturel : il est dans un environnement aseptisé. Pour un enfant d’aujourd’hui, un environnement bétonné est normal, un environnement dans lequel la nature est le plus souvent cantonnée aux images ou à Internet. C’est le fameux sketch de Coluche, dans lequel il est naturel que les poissons soient carrés, avec de la chapelure tout autour.
Ainsi, en une seule génération, notre idée de la nature a été complètement tronquée, faussée, réduite à la virtualité. Cela détruit l’environnement naturel, sain et simple pour laisser place à un monde compliqué, confus et basé sur la pensée. Un monde de plus en plus compliqué menant à une situation de plus en plus compliquée, sans issue, rendant les gens malheureux et ignorants parfois de cette souffrance latente : ils se précipitent sur tout ce que cette société un peu malade – mais riche en propositions – peut leur apporter en compensation. Cette course à la surconsommation est un pillage de notre nid écologique qui appauvrit de jour en jour la planète et nous précipite tous dans la cécité des racines de nos souffrances.
Nous vivons un monde basé sur l’intellect, sur la compétition et la surenchère.
Nous parlons d’écologie, nous parlons beaucoup de méditation.
Est-ce que ce sont les nouveaux concepts à la mode ? Le « bon » qui s’oppose au « moins bon », l’opposition entre samsara et nirvana ? Tout fonctionne autour de l’intellect, nous coupant de plus en plus de notre spiritualité. Même la méditation devient un objet de consommation et l’écologie fait vendre également, proposant un large choix d’alternatives à un système que nous entretenons pourtant depuis des décennies.
En restant campés sur une position purement intellectuelle, nous ne faisons que changer de costume, nous passons de l’habit du « pollueur » à celui de « l’écolo bienveillant ». Mais – au fond – rien ne change, si ce n’est que notre pensée est une illusion bercée dans l’illusion.
Une prise de conscience sincère et profonde de notre nature véritable se fonde à un niveau plus vaste que notre personnalité individuelle. Cette prise de conscience ne peut se faire qu’à partir d’une pratique sincère, avec foi et honnêteté. Pour nous, dans notre Dojo, cela passe par zazen. Tout le monde sait ce qu’est le Bien, même un enfant de trois ans peut le comprendre, cependant même un vieillard ne peut le mettre en application.
Faire le bien, vouloir sauver la planète purement par l’intellect n’est qu’illusion : il n’y a qu’à voir où nous en sommes. Inconsciemment, on maintient la dualité entre le moi et la planète, le moi et le reste du monde. C’est se séparer de soi et de ce qui nous entoure, créer une distance que nous ne comblerons jamais.
Notre pratique profonde fait émerger naturellement les Paramita : abandonner nos vues personnelles pour laisser de la place à une vision Vaste, un écoulement naturel de notre nature au Cœur de la nature, en devenant, naturellement, le Cœur du cœur. Le Cœur de chaque chose. Et lorsque le tout devient une prolongation de soi, il est impossible de nuire, car alors nuire serait s’endommager soi-même.
La pratique est un engagement à long terme, un karma qui se pose dans le temps, mais qui commence ici et à chaque instant. Le Bouddhisme engagé commence sur le zafu. Le changement, c’est nous-mêmes, ici maintenant, quand nous laissons naître les actions justes. Une action juste n’est pas une impulsion de notre mental discriminant, mais une action large qui prend en compte tout l’environnement de l’Univers …
Une action en harmonie avec le Tout dans l’instant, semant les graines de l’instant suivant …
Une responsabilité énorme qui prend appui sur notre pratique de l’assise silencieuse …
L’assise simple comme mode de vie simple …
Quand une personne en veut toujours plus, elle s’empiffre du matin au soir, elle tombe à coup sûr malade et sa vie est un malaise de chaque instant. Une nourriture simple, donnant uniquement ce qu’il faut pour continuer la pratique, une vie naturellement simple à l’écoute de la vie elle-même, c’est la pratique de l’Amour du Tout.
Les initiatives qui fusent de toutes parts pour la prise en compte des problèmes écologique sont louables, mais les initiatives sont, comme toutes choses, impermanentes. Il est donc nécessaire qu’elles viennent du Cœur de notre nature, afin qu’elles s’inscrivent en tant que pratique innée et qu’elles deviennent aussi naturelles qu’inspirer et expirer.