par Thomas Seifert – Dojo de Francfort, Décembre 2024
Pendant zazen, nous nous concentrons sur le moment présent en laissant défiler nos pensées. Dans l’ici et maintenant nous trouvons le contact immédiat avec la réalité. Nous mettons de côté notre esprit analytique et pouvons atteindre une perception de notre situation et de notre environnement sans aucune évaluation. Notre esprit devient comme un miroir. Nous devenons un avec le moment présent, tout comme le miroir est un avec son reflet. La profonde connexion avec l’ici et maintenant peut devenir un instant d’éveil.
C’est ce qui est arrivé à Kyogen Chikan lorsqu’il s’est éveillé au son d’un caillou frappant un bambou. Un simple son qui a ébranlé son esprit réceptif et l’a profondément connecté à la réalité présente.
Cette concentration sur le moment actuel, sur ce que nous faisons maintenant, ce que nous pensons et ressentons maintenant, nous l’exerçons constamment sur notre chemin, non seulement pendant le zazen mais aussi au-delà, dans notre vie quotidienne. Nous prêtons attention à l’impact que nous avons sur nos semblables et notre environnement. Nous essayons d’aider, ici et maintenant.
En même temps, l’esprit humain fait face à un défi sans précédent. Nous – c’est-à-dire tous les êtres humains – ne devons pas nous limiter à nous occuper du présent, c’est-à-dire de notre vie présente, de notre action présente et de notre influence sur le présent. Nous ne devons plus restreindre notre pensée à la maîtrise du moment, à la planification de cette année, de nos prochaines vacances, de notre mandat jusqu’aux prochaines élections, jusqu’à notre retraite ou même jusqu’à la fin de notre vie. Car nous vivons à une époque de changements globaux d’une ampleur historique. Des changements provoqués par les êtres humains eux-mêmes, qui menacent la prospérité et le bien-être de l’humanité. Nous devons voir que notre action ici et maintenant déterminera le destin humain pour les siècles à venir. Les émissions de gaz à effet de serre, qui modifient le climat mondial à une vitesse folle, ne peuvent être inversées dans un avenir prévisible par des moyens techniques, et elles entraîneront des changements profonds dans la nature ainsi que dans la stabilité des sociétés civiles. De même l’effondrement massif des espèces, déjà enclenché, menace gravement l’équilibre naturel et, en fin de compte, l’approvisionnement alimentaire des humains. Les espèces qui ont disparu sont irrémédiablement perdues et ne peuvent pas être ramenées par l’homme.
Vivant dans l’ici et maintenant, nous avons pourtant une responsabilité existentielle envers l’avenir, y compris envers un avenir lointain. Une responsabilité que nous ne pouvons pas déléguer aux générations futures, car celles-ci ne disposeront probablement plus de la possibilité d’éviter des conditions catastrophiques. Le défi est d’agir maintenant pour limiter une détérioration massive, durable et irréparable des conditions de vie.
Pendant zazen nous laissons défiler nos pensées, y compris celles qui concerne la catastrophe environnementale et climatique imminente. Nous allégeons le fardeau de nos épaules, nous nous concentrons sur notre respiration, et nous pouvons ressentir profondément ce que nous souhaitons préserver, pour nous et pour tous les êtres sensibles.