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Atelier Dharma avec Pascal-Olivier Kyosei Reynaud – Visioconférence du 12 avril 2020.
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Le Dharma, c’est l’expérience des Maîtres qui éclaire notre propre pratique
Nous avons accès à la richesse de plus de 2500 ans d’expérience de personnes qui se sont consacrées à cette Voie. L’être humain étant ce qu’il est, les Maîtres, pratiquants avant nous, ont certainement rencontré des situations similaires au confinement.
Même si, au niveau de la forme, il y avait des différences, au niveau du fond et de la manière de résoudre les phénomènes de l’existence, je pense que c’était exactement la même chose.
Mais attention ! Il ne s’agit pas d’aborder cela de façon intellectuelle, mais bien de se questionner avec eux en laissant leurs enseignements éclairer notre pratique.
On peut être touché par leurs paroles, par leur manière d’expliquer leur expérience et, à notre tour, ne faire qu’un avec la vérité à laquelle ils nous ouvrent.
Confinés ou pas, notre vie est faite d’évènements
Le confinement est un évènement dans lequel notre vie se trouve plongée, et la question devient : « comment continuer la pratique dans cet espace du confinement ? » Cheminer sur la Voie, c’est voir que chaque évènement de la vie est occasion d’éveil et de libération. En dehors de cela, il n’y a pas de pratique.
Le fait même d’être vivant, c’est notre pratique, notre pratique d’être humain.
La pratique n’est pas quelque chose d’extérieur à soi, qu’il faudrait maintenir ou conquérir. Par le simple fait de vivre, on est totalement dans la pratique. Le Zen ne nous sépare pas de cela, il ne vient pas « rajouter une couche de pratique » au fait d’être vivant. Simplement, il permet d’éclairer notre vie, à partir de notre expérience de la méditation.
Il nous appartiendra ensuite d’actualiser ce qui est vécu dans l’intimité de l’assise silencieuse tout au long de notre journée, par la qualité de notre attention et dans notre manière d’être.
Vivre dans la non-séparation
La vie et la pratique sont UN, ils sont une seule chose. Si on les vit comme deux choses séparées, ce fossé devient aussi l’espace de notre pratique. Comprendre et dépasser cette séparation est aussi le lieu de notre pratique.
Tout ce qui nous arrive, et comment nous le vivons, est notre pratique, que l’on soit confiné ou pas confiné. C’est ainsi que l’on sort de cette dualité qui est d’imaginer que le temps du zazen serait extérieur au reste de la vie, qu’il y aurait un temps pour la vie quotidienne extérieure et un temps que l’on nommerait spiritualité. Si on voit les choses ainsi, on se maintient dans une vision dualiste de soi-même et de ce qui est vécu. On se maintient dans la séparation, le manque, la lutte, la peur.
Accepte chaque situation et accueille-toi au cœur de chaque situation
La solution est de s’ouvrir à la réalité de la non-séparation, finalement d’avec toute chose. Sinon, on ne fera que se maintenir dans ce questionnement dualiste qui n’aboutit à rien d’autre qu’à renforcer l’attachement illusoire en un « moi » qui cherche à utiliser une pratique particulière pour se libérer et s’éveiller.
Lorsqu’à chaque instant on vit en unité, non séparé, alors tout ce qui nous arrive devient véritablement occasion de se connaître soi-même et de s’éveiller à ce que nous sommes véritablement.
Chaque circonstance de la vie est vécue comme un enseignement, que ce soit une défaite ou une victoire.
Tout est occasion de comprendre et d’approfondir la dimension de son existence sur terre. C’est la pratique de la Voie de la non-séparation.
Maître Dogen Zenji, l’enseignement de la non-dualité
Maître Dogen (1200- 1253) énonce dans ce passage du « Shobogenzo Bendowa » la réalité de l’union de la pratique et de la réalisation : « Shushô ichi nyo ». Il nous faut donc réaliser que la pratique de la méditation n’est pas une pratique qui va nous amener à atteindre l’éveil, elle EST éveil, réalisation. Et ce, dès le premier Zazen !
« Supposer que la pratique et la réalisation ne forment pas un, est la vision des personnes qui se sont écartées de la Voie ; selon le Dharma du Bouddha, elles ne font qu’un. Puisque la pratique de la réalisation a lieu durant la pratique, la pratique de l’esprit du débutant est en soi la réalisation originelle complète ».
(Dogen Zenji – Shobogenzo Bendowa).
La pratique de la méditation est – par essence – pratique de la non-dualité, de la non-séparation. Cela se réalise dès la première assise et à chaque assise.
La pratique est elle-même réalisation, car tous les êtres humains sont originellement Bouddha, il s’agit de notre véritable nature. C’est ce que le Bouddhisme Zen appelle la nature de Bouddha, et c’est ce qu’a complètement réalisé et transmis Maître Dogen.
Dès lors, sa position est de dire que nous pratiquons parce que nous sommes éveillés, parce que nous sommes la nature de Bouddha, et non pas pour atteindre l’éveil ou pour combler quelque chose qui nous manquerait.
Maître Dogen continue :
« Même si cet inimaginable Dharma est présent en abondance chez chaque personne, il ne peut être actualisé sans pratique et il n’est pas atteint sans réalisation ».
(Dogen Zenji – Shobogenzo Bendowa)
C’est la pratique qui actualise cette nature de Bouddha que nous sommes.
De tout cela, qu’est-ce que l’on fait ? Quoi ? Comment ?
Le Dharma, c’est bien beau, mais les questions qui se posent à nous dans notre quotidien sont : « que faire et comment le faire ? ». Chaque jour, nous faisons des choix, prenons des décisions. Ces choix engendrent des comportements, des actions, des paroles, des affirmations, des négations. Nous sommes dans le mouvement et l’action, dans les phénomènes qui changent constamment.
C’est à partir de cette réalité-là que l’on peut avoir l’impression d’être dans un espace complètement différent, voir même complètement opposé à celui de la pratique de la méditation paisible, silencieuse et immobile, dans le dojo ou chez soi.
Par la qualité de notre attention, nous pouvons voir que la dualité est dans notre manière de voir et de vivre chaque situation, et pas dans la situation elle-même.
Comment être libre et en paix au cœur des phénomènes, c’est la base de l’enseignement du Bouddha : comment passer du samsara au nirvana.
Le samsara est le lieu de notre existence, de la vie et de la mort, et c’est le lieu de notre réalisation et de notre éveil. Il n’y a pas d’autre lieu. Il s’agit d’accepter ce fait, et de se libérer de cette vision dualiste où il y aurait un monde spirituel parfait et un monde ordinaire quotidien, imparfait, dans lequel il serait impossible d’être en paix.
Samsara et nirvana, du point de vue absolu, sont Un. La réalité de notre vie aussi.
La réponse se trouve dans le dépassement de toute dualité par la réalisation de l’unité avec toute chose, à chaque instant.
Un temps pour tout
Dans notre quotidien, il y a un temps pour toute chose. Il y a un temps pour faire zazen, un temps pour être dans l’action et faire des choix, pour prendre des décisions. Quand on n’est pas attaché à la forme, chaque instant est accepté tel qu’il est, chaque condition est vécue telle qu’elle est. C’est la Voie de l’unité.
Notre vie se réalise toujours ici et maintenant, et chaque ici et maintenant est tel qu’il est. En zazen, c’est pleinement la réalisation de zazen. Marcher est pleinement l’action de marcher, travailler est pleinement l’action de travailler.
La réalisation de la Voie est au-delà de l’immobilité ou du mouvement, elle est la réalité de chaque maintenant quel que soit sa forme. Le monde réel de notre existence est toujours maintenant.
Cette dimension de l’unité de chaque action et de la réalisation spirituelle était déjà enseignée par le Maître chinois Baso Doitsu (Mazu Daoyi, Ma-tsu Tao-yi, 709-788). C’est un Maître Chan, héritier de Maître Daikan Enô (Daijian Huineng, 638 – 713) et qui se situe sur la lignée à l’origine du Bouddhisme Zen Rinzai :
« Pratiquer la Voie n’est pas nécessaire. Il suffit seulement de ne pas la souiller. Qu’est-ce que cela signifie ? Tous les types de fabrications et d’actions axées sur des objectifs qui sont basés sur la dualité naissance-mort sont des souillures.
Si vous souhaitez comprendre directement la Voie, l’esprit ordinaire est la Voie.
Qu’est-ce que l’esprit ordinaire ? C’est l’esprit dans lequel il n’y a pas de fabrication, pas de jugement de valeur, pas de préférence, pas de temps ou d’éternité et pas non plus de pensées dualistes telles que le commun et le sacré. “
(Baso Doitsu – Mazu Daoyi, Ma-tsu Tao-yi – 709-788).
En un paragraphe, tout est dit.
Chaque existence est le miroir vivant où se reflète la lumineuse clarté de l’éveil libre de toute souillure.
Je nous souhaite de pénétrer ensemble ces enseignements et d’être éveillé par chaque situation, rencontre, moment, événement de notre vie, et de partager cet éveil le plus largement possible.
Pascal-Olivier Kyosei Reynaud.
Narbonne, avril 2020.
Illustrations : https://unsplash.com/