Étude d’un extrait du Genjô-Kôan

Atelier camp d’été à Dinant (Belgique) en 2011

“Etudier la Voie du Bouddha, c’est s’étudier soi-même.
S’étudier soi-même, c’est s’oublier soi-même,
S’oublier soi-même signifie être certifié par toutes les existences du cosmos.
Etre certifié par toutes les existences du cosmos
C’est se laisser dépouiller de son corps et de son esprit
Ainsi que du corps et de l’esprit d’autrui.”

Traduit du japonais par Maître Taisen Deshimaru in « Le trésor du zen, textes de Maître Dogen » – Spiritualités vivantes ed. Albin Michel , mai 2003 – p 141-142.

La teneur du chapitre dans son ensemble étant plus spéculative, le choix fut de travailler sur cet extrait et non pas le texte entier : simplicité de l’énoncé, concision, perfection de sa forme, et surtout lien immédiat avec la pratique de Zazen : l’Eveil est la Présence. Avérée.

Nous étions un petit groupe : de 4 à 6…

L’objectif : Penser ensemble, dire, s’écouter et s’éclairer les uns les autres.
Penser à partir de la pratique et de l’expérience,

Dire : paroles du vécu, de son vécu, de son expérience, une parole habitée, essayer de déjouer le “réflexe” de la culture zen locale de parler de préférence par Koan ou citations de la parole des Maîtres.

Pour cela : se tenir autant que possible au plus près de la compréhension intime que nous avons. Ce qui suppose de la part des autres une écoute bienveillante de bodhisattva.

“S’étudier soi-même” :

Observation de soi. S’observer c’est déjà se “quitter” , s’éloigner de soi. Á un moment ou à un autre en zazen, presque immanquablement, cela se passe : oubli de soi.

Cela ne se décide pas, ça arrive.

Avec cet oubli disparaît le soi-même… le soi… le…

“S’oublier soi-même signifie être certifié par toutes les existences du cosmos” :

Chacun sait comment les arbres, les chants des oiseaux, la pâleur du ciel, le matin tôt à La Gendronnière par exemple en se rendant au dojo, nous “portent” vers zazen et nous amènent sur le zafu, créant de leur seule nature les meilleures conditions… pour que nous rejoignions notre nature, leur nature, le Cosmos ici et maintenant, là où nous sommes, sur le zafu.

Assis sur le zafu, se quitter soi-même laisse de la place aux autres. L’énergie de chacun, la présence de chacun agit puissamment et nous hisse en “dehors de soi-même”, c’est une aide très précieuse – Gratitude –

Puis, il n’y a plus personne à aider… puisqu’il n’y a personne… et réciproquement.

(Puis les pensées reviennent, l’ego se manifeste… puis disparaissent. Chaque zazen diffère.)

“S’oublier soi-même signifie être certifié par toutes les existences du cosmos” : ce n’est pas à partir du soi que les phénomènes sont attestés.

Il n’y a pas de soi en dehors de toutes les existences, sans toutes les existences : s’évanouit le statut d’exception du soi pour lui-même, i.e. : Exit l’ego.

Rien d’autre que cette attestation, même pas de soi, seulement attestation.

Exit le soi, donc : “Se laissant dépouiller corps et esprit et par la-même corps et esprit d’autrui” (par extension toutes les existences).

Corps et esprit comme condition sine qua non de la possibilité de l’ego, ici évanouis, libèrent la Présence….
Personne sur le zafu…

Travailler segment par segment a permis de parler à partir de la finesse des expériences , au plus près de ce qui est vécu, en zazen, dans les dojos et par extension à la vie de tous les jours.

Du conditionné à l’absolu, de l’absolu au conditionné.

Passages

Cet extrait du Genjô kôan est un chef d’œuvre d’enseignement : par sa construction “en escalier” ou step by step, Dogen nous accompagne et nous guide, nous, ses disciples lointains. On peut se prendre les pieds dans l’illusion d’une progression. On pourrait aussi l’entendre comme un mouvement où le soi irait à son “anéantissement” pour n’être que Présence pure et, par là même induire un idéalisme étranger au Zen de Dogen.

La pratique de zazen nous dit qu’il n’en est rien, que la force de l’enseignement de Dogen est d’approcher au plus près cette expérience.
Maître Dogen est “l’Ami de bien” qui trouve les mots…
Le Kôan comme Présence.

Hors des mots dualistes, qui partagent, séparent : La Présence insécable, infinie.
La forme : le kôan ne dit rien, il est simplement Présence. Le véritable poème ne dit rien, il est pure présence. Ni état, ni mode, ni lieu. Le temps de son énonciation, ici et maintenant, le poème nous “temps” la main pour réaliser la Présence.

Un temps de réflexion, d’échanges et d’amitié…