Claude Emon Cannizzo 2020
Il y a quelques questions auxquelles Bouddha n’a pas répondu, et l’une d’elles concerne l’existence de Dieu. Pour Bouddha, cette question n’était pas un sujet fondamental. La croyance en Dieu est évidemment une question totalement personnelle, mais néanmoins, elle peut devenir une cause de souffrance et parfois même un sujet de conflit.
Les croyants passent parfois leur vie à honorer Dieu, le louer, le prier, pour eux-mêmes et leur santé, celle de leur famille ou autre chose… Pourtant, malgré cela, bien souvent les prières restent sans réponses, non exaucées : on tombe malade bien qu’on ait demandé la santé, il nous arrive des accidents bien qu’on ait demandé une protection, on perd des êtres chers, parfois même plus jeunes que nous …
Lorsque le malheur se produit, on est désemparé, on n’accepte pas ou difficilement, et on se dit : « Mais pourquoi lui, pourquoi elle, ou pourquoi moi…? Qu’est-ce que j’ai fait au Bon Dieu… ? »
La souffrance est tellement forte qu’il arrive que l’on rejette l’existence de Dieu. Parfois même, la situation amène ceux qui souffrent à tomber dans des pièges tel que l’alcool, la drogue ou autres « fuites » pour tenter d’y trouver refuge. Mais – en faisant cela – on ignore qu’on ne fait qu’ajouter de la souffrance à la souffrance et qu’on ne trouvera quand même pas la paix de l’esprit.
Comment trouver dans ces moments-là les paroles justes pour aider celui ou celle qui souffre et qui remet sa foi en question, ou qui blâme Dieu ? On se trouve face à une personne qui a perdu un ou plusieurs êtres chers, ou tout ce à quoi elle tenait ou possédait. On constate la détresse dans laquelle elle se trouve et lui parler de croire à ce moment-là, ce n’est pas forcément le bon moment.
Dans le zen, la notion de croyance n’a pas sa place. Bien que la douleur fasse partie de notre existence et qu’il soit nécessaire de consacrer un temps au deuil pour dépasser ces moments de la vie, il est néanmoins important de ne pas stagner dans la morosité et de revenir à « l’action de vie », dans l’esprit de l’Octuple Sentier et des paramita.
Après la catastrophe de Fukushima, un homme d’environ soixante-dix ans a tout perdu, sa famille, ses amis, sa maison. Devant une telle souffrance et ne sachant y faire face, il s’est réfugié dans l’alcool. Chaque jour, il n’avait qu’une seule chose en tête : « Il aurait été préférable que moi aussi… » Un jour, il croise un jeune homme qui faisait du bénévolat … « Je ne pouvais pas rester à ne rien faire. Maintenant c’est mon tour. Je veux participer à l’effort de reconstruction et revoir des visages souriants dès que possible ! » C’était les paroles prononcées par ce jeune homme aux yeux brillants, avec un sourire aux lèvres.
Malgré son cœur brisé, les paroles simples et bienveillantes du jeune homme ont éclairé l’esprit du vieil homme, car c’étaient des paroles dont il avait besoin pour s’encourager et se ressaisir. Il se mit à participer, à aider. Petit à petit, cela lui permit d’apaiser la douleur, la tristesse et la solitude qui avaient causé la perte de sa foi. En offrant son aide aux autres, il ne se sentait plus perdu et, au bout d’un certain temps, il dit : « Ces derniers temps, je pose enfin un regard neuf sur ce qui m’entoure et je retrouve l’envie de vivre. »
Dans son enseignement, Dogen Zenji nous dit :
« Une bonne action est la mise en pratique complète du Dharma. Elle est universellement bénéfique pour celui qui l’accomplit et celui qui en bénéficie. »
Nous devons comprendre que la compassion et les actes altruistes naissent de nos « pensées pures » et ne nécessitent aucune prière dans l’attente qu’elles soient exaucées… (Mushotoku).
L’existence de Dieu n’est pas la question. Mais s’il existe un Dieu, il n’est en aucun cas notre obligé, sous prétexte que nous le prions ou l’implorons. Il n’y a pas de négociation à faire avec lui. Ce n’est pas de la politique …
Concernant ses propres enseignements, Bouddha disait :
« Ne suivez pas mon enseignement aveuglément, éprouvez-le par vous-même. »
L’enseignement du Bouddhisme Zen est très clair… C’est à nous de faire les choses. Il n’y a ni croyance, ni destin et de ce fait, pas de fatalisme. Ceci nous rend responsable de notre vie et ainsi, également de nos actes paroles et pensées. Le Dharma est partout, dans tous les phénomènes, heureux ou malheureux. C’est à chacun de nous de nous investir, ensemble et avec justesse, autrement dit avec sagesse, compassion et altruisme !
Est-ce Dieu qui est à l’origine de ce qui arrive ? Les tremblements de terre, les tsunamis, les virus, les autres catastrophes ou autres « malédictions » ? Serait-ce pour nous punir ? Ce ne sont là que croyances et superstitions.
La foi peut sans aucun doute aider les croyants. Mais ni foi, ni croyances, sans l’action juste, la parole juste et la pensée juste ne feront avancer les choses, elles ne feront pas se transformer le monde ! …même si on veut y croire.
En ces temps de confinement, et avec le déconfinement en perspective, la majorité des gens disent que les choses doivent changer. En effet, c’est aussi mon avis. Mais pour l’instant, nous le disons assis au fond de notre fauteuil, avec un désir ardent de reconquérir la liberté mise en veille.
Qu’en sera-t-il le moment venu, que ferons-nous pour que les choses changent ? Croirons-nous que les choses vont changer d’elles-mêmes ou ferons-nous ce qu’il faut pour qu’elles changent ?… Et bien sûr, nous pouvons à la fois croire et faire…
La question est ouverte …
Prenez soin de vous. Encore un peu de patience …
En gasshô : Claude Emon Cannizzo.