7. L’esprit de compassion mûrit et s’épanouit
Ceci est fondamental. Sur nos autels nous avons les deux bodhisattvas Kannon, le bodhisattva de la compassion, et Manjusri, le bodhisattva de la sagesse. Sagesse et compassion doivent toujours aller ensemble. Pourquoi ? Parce que la compassion, ce n’est pas la pitié. C’est être capable de se mettre à la place d’autrui, et donc de ressentir ce que cette personne ressent, au plus proche. Evidemment on ne peut jamais être totalement l’autre, mais on peut arriver à être le plus près possible de ce que l’autre peut ressentir. A ce moment-là, la compassion est ce qui va nous permettre d’être en empathie avec l’autre.
Mais ce n’est pas rester au niveau d’un sentiment. Il faut que la compassion nous pousse à agir dans le sens de savoir ce que je peux faire pour aider l’autre, ce que je peux faire pour soulager sa souffrance. Il y a énormément de gens qui sont dans des relations d’aide, mais finalement, la meilleure aide que l’on puisse apporter à quelqu’un c’est de l’aider à être capable de s’aider lui-même ou elle-même. Et finalement, c’est de transmettre la pratique de zazen.
C’est ce que je fais depuis plus de cinquante ans. C’est au fond ce qui est devenu le moteur de mon existence. Je me suis rendu compte que, après avoir été passionné par la politique et tout ce qui pouvait aider à remédier aux injustices et aux souffrances du monde au niveau politique, que finalement pour remédier aux souffrances du monde il faut guérir l’esprit de son égocentrisme et donc, faire une révolution spirituelle. C’est ce qui m’a amené à la pratique de zazen.
8. La vertu de patience augmente
Quand on est animé par cet esprit de compassion et qu’on souhaite véritablement aider les autres à se libérer de leurs souffrances, il faut beaucoup de patience. C’est la raison pour laquelle le mérite « La vertu de patience augmente » est si important.
Il faut patienter déjà pour continuer à pratiquer, parce que la pratique n’est pas toujours facile. Il faut se lever le matin de bonne heure alors qu’on a envie de rester au lit, il faut pouvoir tenir une posture qui est très physiologiquement valable, mais qui provoque parfois certaines douleurs dont on n’a pas l’habitude : avoir mal aux genoux par exemple. Pour continuer à pratiquer il faut être patient.
Il faut être patient aussi par rapport aux autres. Les autres ne fonctionnent pas toujours comme on voudrait qu’ils fonctionnent, ne répondent pas toujours à nos attentes. Très souvent quand on est impatient, on se met en colère, et la colère peut être extrêmement dangereuse.
A ce sujet, il y a une histoire qui est racontée dans le Zen, c’est l’histoire de ce samouraï qui rentre chez lui et qui aperçoit sa femme à travers le shõji (au Japon il n’y a pas de vitres aux fenêtres, mais un genre de papier huilé opaque et donc, on ne discerne pas qui est de l’autre côté, mais on voit des formes). Il rentre donc chez lui et voit sa femme en train de discuter avec un homme. Furieux, il sort son sabre, avec l’idée de pourfendre cet homme qui, croit-il, est en train de séduire sa femme. Il se rappelle alors les recommandations de son maître zen, qui lui avait donné comme koan à méditer « attend ». Et d’un seul coup, il se dit : « ah oui, attendre ! », il range son sabre, il rentre et trouve sa femme en train de discuter avec son propre père. S’il n’avait pas été patient, s’il ne s’était pas souvenu de cette recommandation de son maître d’attendre, ce qui est le propre de la patience, il aurait commis un acte irréparable.
9. La sagesse se manifeste
La sagesse, j’y ai fait allusion plusieurs fois. La sagesse, ce n’est pas la philosophie au sens d’étudier énormément de textes de sagesse. La sagesse, c’est vraiment apprendre à se connaître soi-même, profondément. Non seulement en se disant « moi, je me connais, je fais une thérapie par exemple, je sais que je suis quelqu’un comme ceci, comme cela ». Bien sûr, c’est une sorte de sagesse d’apprendre à se connaître soi-même au niveau de son caractère, ses conditionnements, c’est très important.
Mais la véritable sagesse, c’est comprendre la véritable nature de notre existence, c’est-à-dire, notre nature de bouddha. C’est réaliser qu’au fond, notre vraie nature, c’est d’être Un avec tout l’univers. C’est l’éveil fondamental, réaliser que le sens de notre existence, c’est cette unité, cette interdépendance avec tous les êtres. Quand on réalise cela, toutes les autres vertus du Zen se déploient.