Zen et Art

Camp d’été à Godinne, juillet 2018 – Atelier animé par Pascal-Olivier Kyosei Reynaud

Pour cet atelier Zen et Art lors du camp d’été, j’ai mis en valeur la question de la pratique du zen et de la créativité. J’ai abordé cet angle de la créativité car on est tous créatifs dans sa vie, dans son travail, dans sa famille, dans sa pratique, même si l’on n’a pas une production proprement artistique. Je souhaitai que cet atelier soit l’occasion pour les participants de prendre conscience de leur créativité et de l’importance de la créativité dans leur vie et leur pratique.

Concrètement, cet atelier a été lui-même un processus créatif car il s’est construit par les différents partages des participants au fil des cinq séances. J’ai accompagné la réflexion et créé les conditions de ce partage d’expérience. Il y a eu plusieurs temps d’échanges théoriques où on a creusé la question de la créativité dans notre pratique, et il y a eu aussi des temps de pratique créative, gestuelle, un travail d’encre de chine au pinceau. Ce que je voulais c’est que l’atelier soit ouvert à tout le monde, que l’on ait une pratique proprement artistique ou pas.

On a eu donc une réflexion sur la créativité dans sa pratique et en même temps une pratique concrète de notre propre créativité. La partie de réflexion en commun sur le thème « de la créativité dans sa pratique » a donné lieu à ce document, qui se présente sous la forme d’un mind mapping, une carte de la pensée autour de ce thème de la créativité et de la pratique du zen.

Qu’est-ce que le mind mapping ?

Une mind map, encore appelée schéma heuristique ou carte mentale, constitue un outil extrêmement efficace d’extraction et de mémorisation des informations. Il s’agit d’une méthode créative et logique pour prendre des notes et consigner des idées, qui consiste littéralement à “cartographier” votre réflexion sur un thème.

L’élaboration d’une mind map permet de transformer une longue liste de données en un diagramme attrayant, structuré, en harmonie avec le fonctionnement naturel du cerveau.

Une analogie avec un plan de ville permet de mieux en comprendre la structure : le centre de la ville représente le sujet dominant ; les principales artères partant du centre représentent les grandes idées de votre réflexion ; les rues secondaires représentent les idées de deuxième plan, etc.

La réflexion du groupe s’est donc exprimée par cette carte mentale dont la question centrale est “de la créativité dans sa pratique“. De cette question centrale il y a des sous-éléments qui sont apparus, par exemple, “être ensemble“.

Pour être ensemble, cela signifie d’avoir de la créativité dans son écoute, dans le dialogue, la concertation, dans notre capacité à créer le silence et l’harmonie. Un autre élément qui nous est apparu important et auquel sont rattachés beaucoup de choses, c’est celui de la pratique du « gyoji ». Comment mettre de la créativité dans son gyoji quel qu’il soit. Nous avons donc décliné les différentes pratiques du zen où s’exerce notre créativité comme par exemple la couture, les samu, les cérémonies et le zazen évidemment, être créatif dans sa pratique de zazen. A chaque fois nous nous sommes questionnés sur ces différents aspects de la pratique et essayés de voir en fait que la créativité se retrouve dans toute nos actions, qu’elle est le garant de notre participation active et éveillée et non pas d’agir par habitude ou machinalement, sans conscience ni présence.

Cette carte mentale, c’est la manière de visualiser les échanges du groupe et ce que nous avons trouvé ensemble. Les points importants sont représentés par des sortes de planètes avec leurs astéroïdes, mais on peut y voir également l’espace dans lequel elles baignent, par exemple, sur le côté gauche, au-dessus de « Gyoji – les pratiques », on a « l’attention, la concentration, l’observation », c’est l’espace dans lequel les pratiques peuvent se développerEst ensuite représenté le fait que la pratique de zazen va nous permettre à la fois de nous éveiller et de nous libérer. Nous éveiller à notre véritable nature et nous libérer des empêchements, ce qui débouche grâce au « lâcher-prise » sur une « qualité d’être ».

Ce qui était impressionnant c’est que plus nous avancions dans ce partage et cette réflexion autour de la créativité, plus on a été en miroir, en harmonie avec les teisho de Roland. Nous retrouvions ce qu’il avait dit ou trouvions ce qu’il allait développer au teisho suivant.

Nous avons donc réfléchi sur le « lâcher-prise » qui est un élément central aussi bien dans la pratique du zen que dans une pratique artistique. Grâce à cette carte, on se rend compte que tout est lié et mettre de la créativité dans sa pratique nous amène à une « qualité d’être » qui se développe dans la réalisation des différentes pratiques. Que toutes les pratiques sont occasion d’approfondissement de la voie, occasion d’éveil et de libération.

Nous avons noté également que cette qualité d’être s’exprime (entre autre) par la joie, la liberté, l’humour, la sérénité et l’humilité.

Voilà c’est ce qu’il est sorti de notre atelier. Évidemment il y aurait encore beaucoup d’autre chose à noter ou découvrir. A un autre moment, dans un autre atelier, avec un autre groupe, on aurait certainement créé une autre carte.

Pour continuer la présentation de ce Mind mapping, on peut voir que nous avons noté que « la qualité d’être » c’est bien, mais il est reliè au fait de « l’actualiser dans sa vie », ce qui nous amène, dans notre réflexion, au point de « l’engagement social » qui se trouve comme réchauffé par les rayons du soleil des préceptes et ceux de l’ordination. L’engagement social se fait en harmonisant la pratique et la vie sociale, la pratique et la vie familiale, et là on a eu l’occasion de rejoindre la réflexion des autres ateliers de ce camp d’été.

Un des autres points que nous avons rattaché à la créativité dans sa pratique c’est « la générosité ». Par exemple le fuse, la générosité peut s’exprimer dans comment « s’investir dans la vie d’un dojo ». On a justement besoin de la créativité pour s’investir dans la vie du dojo parce qu’on a besoin de développer de la sagesse pour s’investir d’une manière juste et harmonieuse dans un groupe.

Nous avons évoqué aussi le rôle de « l’enseignant/du responsable » d’un dojo. Les personnes, qui ont un rôle d’enseignant, de responsabilité dans la sangha, ont recours à la créativité pour résoudre des problèmes, par exemple dans l’organisation du dojo ou d’une sesshin, dans la communication interne ou externe et également dans la manière d’accueillir les personnes qui viennent au dojo et dans l’ambiance qui est créé par les pratiquants, comment animer/dynamiser un groupe.

Il y a aussi l’aspect que l’enseignant/le responsable est également le garant de la transmission juste, et qu’également cela demande de la créativité.

Finalement, toutes ces pratiques, comme la pratique créative, se rattachent à, retournent à, sont issues de « ku », la vacuité, le surgissement de toutes les potentialités.

On peut voir qu’il y a un cadre qui entoure la carte, car en fait tout ce qui est noté à l’intérieur fait partie de ce qu’on a regroupé sous « les moyens habiles, Kannon, compassion ». Ce sont les milles bras de Kannon pour pouvoir agir d’une manière créative à chaque situation et pour pouvoir soulager les souffrances du monde. Il y a encore un niveau au-dessus, parce qu’on s’est dit que cela est contenu dans « la sagesse, la bienveillance, l’intelligence et l’énergie ».

Pour prendre conscience de l’importance de la créativité dans notre pratique, nous nous sommes posé cette question avec chacun de ces éléments. Comment ces différents points résonnent vraiment pour soi, dans sa pratique et comment développer sa créativité. Tout ce qui se présente est occasion de créativité.

Dans cet atelier, il y a un autre travail qui a été fait, c’est la liste des points communs et des différences entre pratique de la voie et pratique artistique. Par exemple un des points communs est « au-delà du langage verbale », nous le retrouvons dans notre pratique comme dans les pratiques artistiques, par exemple dans le rapport au corps. En point commun, on a noté la question de la présence, de zanshin, de l’écoute de soi, de l’attention, de la concentration et de l’observation, de se remettre en question, du lâcher-prise, également l’aspect de la répétition et de la discipline. Il y a aussi l’universalité, en tant que l’art et la spiritualité sont des besoins fondamentaux pour l’être humain. Il y a aussi la foi, la connaissance de soi, le silence intérieur, la vitalité, l’énergie, l’émerveillement, la joie, l’authenticité, la transmission.

Au niveau des différences entre la pratique de la voie et les pratiques artistiques, c’est sur le point du questionnement de l’attachement à l’égo. Par exemple il y a des différences entre la pratique du zen et les pratiques artistiques. Le modèle actuel de la pratique artistique est la valorisation de l’égo et l’expression personnelle est plutôt encouragée dans les arts et moins dans le zen. Un autre point de divergence est le fait qu’une pratique artistique ne débouche pas obligatoirement sur une qualité d’être.

Il y a aussi la question de la finalité. La pratique artistique débouche sur un œuvre, elle peut déboucher également sur un statut social, une reconnaissance sociale avec notamment le marché de l’art.

Voilà rapidement brossé le compte-rendu de ce qui s’est vécu dans le cadre de cet atelier « zen et art ».

Pascal-Olivier Kyosei Reynaud

Crédit image : P-O Kyosei Reynaud