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Par P-O Kyōsei Reynaud
Les célébrations de l’anniversaire des cinquante ans de la présence du zen Sôtô en Europe qui se sont tenues à la Gendronnière du 12 au 14 mai 2017 me donnent l’occasion de témoigner sur l’implantation du Bouddhisme zen et sur la transmission de Maître Deshimaru.
En zazen on ne fait rien en particulier, on est complètement présent au corps et à la respiration. On laisse simplement l’esprit se déposer en ne suivant plus les pensées qui apparaissent constamment. En zazen, on ne recherche plus rien. C’est vraiment important, car zazen, la méditation assise n’est pas un moyen pour atteindre ou pour obtenir quelque chose qui nous manquerais.
Zazen ne crée rien
C’est justement ce qu’a transmis Maître Deshimaru. C’est ce que l’on appelle Shikantaza « simplement s’asseoir ». C’est exactement comme Maître Dogen lorsqu’il dit qu’il n’a rien ramené de Chine et qu’il est revenu au Japon les mains vides. Shikantaza c’est la pratique du « être simplement assis », il n’y a rien d’autre que la réalité de cette assise. Il suffit de s’abandonner à cela à chaque instant.
Avec Shikantaza, ce que Maître Deshimaru a transmis également, c’est Mushotoku, pratiquer sans avidité, être sans désir d’obtenir quelque chose en retour, c’est pouvoir se libérer de toutes nos attentes. C’est l’art de se libérer justement de ce qui nous empêche d’être véritablement présent à la réalité de notre existence au lieu de continuer à vivre dans le monde étroit de nos représentations, de nos croyances.
Enfin ce qu’a également transmis Maître Deshimaru c’est Hishiryo « penser du tréfonds de la non-pensée ». C’est-à-dire de pouvoir abandonner la conscience ordinaire qui repose uniquement sur shiryo, sur la pensée, le mental, sans rechercher ou se réfugier dans fushiryo la non-pensée. C’est Hishiryo qui surgit spontanément de la pratique correcte. C’est Hishiryo qui transcende la pensée et la non-pensée.
Maître Deshimaru a exactement transmis le zen de Dogen
Shikantaza, mushotoku, Hishiryo c’est zazen. C’est zazen tel qu’il a été transmis non seulement par Maître Deshimaru mais par tous les Maîtres de la transmission. Zazen c’est la pratique-réalisation. La pratique où il ne manque rien. C’est cette pratique qui nous a été transmise et que l’on actualise ici et maintenant en étant assis face au mur avec les autres.
Au cours de ma première retraite de trois mois (Ango) au Japon, j’ai pris conscience, par cette immersion dans le Zen et dans la culture Japonaise, de la sagesse de Maître Deshimaru dans sa manière d’avoir su adapter à la mentalité occidentale cette pratique et ces enseignements traditionnels.
Évidemment Maître Deshimaru n’a pas été le seul à transmettre, partager et enseigner cette voie en Europe. D’autres maîtres appartenant à d’autres lignées ont été et sont également très actifs.
J’ai commencé à pratiquer en 1984, donc deux ans après son décès. A la Gendronnière, dans le château, sur sa tombe, dans le parc et à travers ses disciples sa présence était sensible et elle l’est encore aujourd’hui.
Roland Yuno Rech est mon maître, mais je me sens à travers lui, en quelques sorte « petit-fils » de Maître Deshimaru. Même si je ne l’ai pas connu physiquement, j’ai grandi et je grandis encore, nourri par zazen et par les trois trésors qu’il a transmis et que ses disciples transmettent à leur tour.
Maître Deshimaru n’a pas transmis un dogme ou des croyances, mais une pratique vivante et universelle avec l’espoir de venir en aide aux occidentaux en leur rappelant la nécessité vitale de réaliser la dimension spirituelle de leur existence.
Pour cela, après son arrivée à Paris en 1967, Maître Deshimaru développa et organisa avec ses disciples non seulement la pratique de la méditation zen, le zazen, mais aussi celle de la couture du kesa, la transmission des préceptes avec les ordinations de Bodhisattvas et de Moines et Nonnes et enfin l’enseignement des principaux textes et sutra du Bouddhisme Zen Soto, cela jusqu’à sa mort en 1982.
Actuellement, le futur du Zen continue à se créer chaque jour dans les nombreux lieux de pratique avec les hommes et les femmes qui viennent s’asseoir en silence, avec les enseignants et les maîtres qui les accompagnent quotidiennement et à travers les différentes lignées qui se sont développées et qui expriment la richesse de cette voie.
Aujourd’hui, mon point d’encrage et ce que je partage, c’est cette pratique vivante qui se renouvelle quotidiennement, ma fidélité à cet essentiel qui fonde mon existence et ma gratitude au Bouddha, aux Patriarches et aux Maîtres qui m’ont précédés.
En souhaitant de tout cœur que cela soit pour le bien de toutes les existences.