Par Marc Hôgen Van der Maat, Kannon dojo de Bruxelles, avril 2023
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Suivant l’exemple du grand moine Taisen
zazen sauta soudainement dans l’abîme-cercueil
Anéantissement abrupt
fraction infinitésimale
Revenu à shiki , le ‘je’ laisse passer doucement
comme un nuage flottant haut dans l’azur
l’image du vénéré Maître Yuno
En quittant le dojo le trafic
exhale un parfum de joie débordante
Les mots ne peuvent exprimer
mieux vaut continuer la pratique silencieuse
et reprendre le travail au jardin
la sangha est en sesshin, là-bas
et je suis malade, ici
vie-mort, proche-lointain,
shin jin datsu raku
la sangha fleurit ici
dans ce corps-esprit
avec les dix mille bouddhas là-bas
la lune demeure au milieu de l’eau
la lune n’est pas mouillée
l’eau n’est pas brisée
Dans la pénombre des jours qui s’allongent
les premières mélodies du merle dans le chêne
et le bavardage des petits oiseaux dans les haies
Le clair de lune blanchit un tapis de perces neige
sous l’ombre des arbustres bourgeonnants où
scintillent ‘çi et là quelques gouttes de rosée
Il faut y aller maintenant, ouvrir le portail métallique et
monter à vélo pour descendre en ville et y monter au dojo,
accueillant les premières sirènes et les cris du trafic matinal
Un merle citadin ici posé sur les tuiles décrit par d’ingénieuses vocalises
à son homologue dans le chêne là-bas et aux petits oiseaux dans les haies la noble posture de quelques pratiquants sous le clair de lune
Comme une grande éponge noire
l’humus absorbe les pluies depuis
des jours et des jours au potager
Les vers de terre remontent vers la surface
tandis que l’humidité descend par leurs passages
souterrains ou quelque galerie de petit rongeur
Il fait encore froid mais déjà les graminés
sont là avec leur extraordinaire vitalité
de dite mauvaises herbes d’une grande variété
A l’intérieur près de la fenêtre bien au chaud
les semis cherchent la lumière comme un fragile
nouveau-né le sein de sa mère protectrice
Juste sous la surface mouillée du jardin le mycélium et
ses nombreux filaments créent une merveilleuse interface
entre le monde minéral et végétal dans lequel bientôt
les semis deviendront nourriture pour ce corps
tandis que l’observation de cette magnifique chaîne
d’interdépendance nourrira la pratique
Le corps est engourdi, la tête vaseuse,
le temps semble traîner, flâner au gré
de trop de pensées discordantes et
disparates
Ce zazen est interminable, est-ce la
nourriture d’hier, ou le trop-plein de
messages, d’informations, d’images ou de
bruits
Revenir au souffle, embrasser l’inconfort
passager avec compassion et sagesse,
essayer du moins, et laisser passer avec
humour
Le corps est engourdi, la tête vaseuse,
le temps semble traîner, flâner au gré
de trop de pensées discordantes et
disparates
Ce zazen est interminable, est-ce la
nourriture d’hier, ou le trop-plein de
messages, d’informations, d’images ou de
bruits
Revenir au souffle, embrasser l’inconfort
passager avec compassion et sagesse,
essayer du moins, et laisser passer avec
humour
Les premiers semis, enfin,
sortent sous les pluies, les bourrasques
et les quelques premières éclaircies d’un
jeune printemps très fantaisiste…
Bien protégées encore,
les pommes de terre dans leur butte
attendent que la terre se réchauffe
encore un peu pour apparaître…
Sur la terrasse les camélias en fleur
avec leur pots en terre cuite
contrastent merveilleusement bien
avec le tendre vert de l’herbe réveillée…
Mais cette nuit il y aura du gel au sol
et le jardinier devra à nouveau rentrer tous les pots,
couvrir fleurs, semis et les premiers légumes, étant
vigilant, attentif, concentré dans une confiante détente…
C’est la pratique des paramita …
Seulement pratiquer …
Just for nothing …
Matinée de zazen au dojo
Deuxième session
Le soleil entre par les fenêtres
et illumine des bouddhas face au mur
La chaleur commence à se faire sentir
à travers les vélux ouverts sur le monde
Bouddha, Dharma, Sangha,
posture, respiration, présence
pratique paisible
Une grosse mouche bruyante et
bourdonnante brise le noble silence
Avalokiteshvara nous rend visite,
fait le tour du lieu, nous bénit et puis s’en va
La posture
est un rocher sur lequel
les vagues des images et des pensées
viennent se briser en
innombrables gouttelettes
de lumière
répétait souvent mon Maître
Maintenant
je suis réellement
assis sur un rocher breton
devenu moi-même granit un instant dans
la marée montante et fulgurante
Assez rapidement l’eau montait
jusqu’aux pieds qui un instant d’avant
encore avaient pendu au-dessus de l’eau
Maintenant les vagues se brisent déjà
sur mon corps qui se cramponne
contre leur force écumante sur une
posture de pierre ruisselant de milles zafutons
Une grosse lame arrive, elle monte, monte,
roule, tourne, et tombe avec fracas sur ma tête inondée
de respect et de gratitude pour ce kyosaku salé
Elle continue à rouler énergiquement vers la plage au loin
et lâchant des mains mon nouvel ami minéral
qui disparaît aussitôt, je me laisse flotter, porter
dans une joyeuse apesanteur et une détente totale,
une confiance totale dans la pratique du non-faire
vers l’Autre Rive …
‘Je’ ne suis plus …
Ce je ne sera plus jamais comme avant
L’eau de mer est froide
mais ce corps-esprit brûle comme un bâton d’encens
d’un dojo cosmique
Le corps approche du rivage
les mains font gasshô
après zazen
sur la terrasse
attablé au soleil
avec une tasse de thé
et les taisho d’un maître
le merle chante ses paroles
que les fleurs mettent en couleurs
abeilles et papillions butinent les paramita
pendant que majestueusement deux cigognes haut dans
l’azur vaste et fluide planent dans les thermiques du temps .